Nés en Corrèze, ils étaient sur les barricades de la Commune, il y a 150 ans
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Il y a cent cinquante ans, jour pour jour, le 18 mars 1871, des Parisiens s’insurgeaient contre le gouvernement d’Adophe Thiers. C’était le début de la Commune. Des Corréziens étaient dans les rangs.
À Brive, en Corrèze, une école et une rue rendent hommage à Jules-Vallès, romancier, journaliste et communard farouche qui ne dut sa survie qu’à son exil vers l’Angleterre. Malemort et Ussel ont une rue Louise-Michel, autre communarde célèbre. Mais des Corréziens moins illustres ont aussi participé à ce printemps parisien de flammes et de sang, il y a cent cinquante ans.
Repères historiques 4 septembre 1870 Le Second empire de Napoléon III est renversé. Le 19 septembre, le siège de Paris par l’armée prussienne débute. Il s’achèvera le 28 janvier 1871, par la signature de l’Armistice, après 22 jours de bombardements. 18 mars 1871 Le gouvernement d’Adolphe Thiers tente de récupérer les canons de la garde nationale : c’est le début de la Commune de Paris. 21 mai 1871 Après des semaines d’affrontements, les Versaillais entrent dans Paris. La « Semaine sanglante » s’achève le 28 mai. Entre 20.000 et 30.000 personnes sont exécutées par les troupes versaillaises. 1872 Il est décidé que les communards condamnés aux travaux forcés ou à la déportation seront transportés en Nouvelle-Calédonie. 13 juillet 1880 Amnistie pleine et entière des communards. Certaines de leurs décisions (séparation de l’Église et de l’État, réquisition des logements vacants, égalité des enfants légitimes ou naturels, etc.) ont été, bien plus tard, adoptées.
Dans la revue Lemouzi, Antoine Paucard, auteur entre 1993 et 1996 de sept articles sur ces « Calédoniens malgré eux », recense huit Corréziens communards déportés en Nouvelle-Calédonie. Stéphane Trayaud, auteur d’Oubliés de l’histoire, les Limousins de la commune de Paris, a retrouvé la trace de 1.531 communards de la région. Tous les cantons de la Corrèze ont eu au moins un enfant du pays arrêté après la Commune. Voici le destin de huit d’entre eux.
Le plus apprécié : Pierre Maison, de PeyrelevadeIl a 38 ans lors du soulèvement parisien. Ce scieur de long, célibataire, qui vivait dans le quartier des Batignolles prend les armes en septembre, lors du siège de Paris et ne les laissera plus jusqu’à la Semaine sanglante. Déporté, il est considéré comme « un bon ouvrier qui se conduit bien ». Libéré en 1879, il rentre en France.
Le plus indigné : Joseph Imbert, de TulleIl vit dans le 14e arrondissement et est rôtisseur de son métier. Ancien de la « Manu », ancien militaire, à 33 ans, il fait partie de la garde nationale. Fait prisonnier le 24 mai, il confie à Léon, un ami tulliste à qui il écrit au mois d’août, qu’il ignore pourquoi on l’a arrêté :
Je me demande toujours quel est le crime que j’ai commis.
Sur la base, notamment, des déclarations de ses voisins qui ne l’appréciaient guère, il est condamné à la déportation. Après maintes démarches, sa peine est remise en 1879 et il rentre en France.
Le plus œnophile ? Jean Lascaux, de Rilhac-TreignacIl n’a pas 32 ans lorsque l’insurrection éclate. Célibataire et maçon, il vit aux Batignolles. Il monte longuement la garde à la mairie de Montmartre. Arrêté chez un marchand de vin le 23 mai, condamné à la déportation, il se fera remarquer par sa bonne conduite et sera gracié en 1879.
Son frère, Jeannot, sera arrêté et condamné à deux ans de prison.
Le plus maltraité : Pierre Miézecage, de BeaulieuSelon Antoine Paucard, c’est le seul Corrézien à avoir été interné au terrible bagne de l’île Nou, où furent emprisonnés les communards condamnés aux travaux forcés (ils furent 323, 51 en sont morts). Il a bientôt 37 ans, est marié et père d’un enfant quand il est happé par les événements. Cet ancien militaire puis gendarme est cocher lorsque les Prussiens entament le siège de Paris.
Après deux non-lieux, la troisième instruction sera « la bonne » : sur des témoignages de pillages et d’arrestation, on le condamne, en juin 1872, aux travaux forcés à perpétuité. Il meurt en déportation, en mai 1879.
Le plus prosélyte : Léonard Lestang, de ViamForgeron après avoir été marin, il fait partie de la garde nationale lorsqu’il est envoyé en Corrèze pour y faire de la propagande, notamment auprès des ouvriers de la « Manu ». Il arrive à Viam le 20 mai 1871 et est arrêté le lendemain. Il a été condamné à deux ans de prison.
Le plus à contre-emploi : Louis Lavergne, de CorrèzeIl a 26 ans et est pompier de Paris dans le 5e arrondissement quand l’insurrection éclate. Les pompiers pactisaient avec la Commune tout en continuant d’éteindre les incendies, rapporte Antoine Paucard.
Le 6 avril, il remplace son uniforme par celui de la garde des fédérés. Condamné à la déportation simple « avec dégradation militaire », il reste à l’Île des Pins jusqu’en 1879 où, gracié, il rentre à Paris.
Le plus « sincère » : François Bironnet, de MestesOriginaire de la région d’Ussel, ce carrier de 30 ans ne vit à Paris que depuis quelques mois lorsque le siège démarre. Alors qu’il tient une barricade, il se rend avec ses camarades aux Versaillais. « Homme sincère dans ses aveux, ni mauvais ouvrier, ni homme dangereux… Mais sa participation est aussi grande que possible », juge son acte d’accusation, retranscrit par Antoine Paucard.
Il aurait pu s’éloigner de cette révolution en quittant Paris, où il n’était retenu que pour prêter son concours à l’insurrection.
Déporté, il sera gracié en 1879.
Le plus insaisissable : Adrien Mazot de TurenneCondamné par contumace à la déportation, caché ou en fuite, il fut recherché avec son épouse et son fils en 1872. Même le brigadier de Meyssac enquêta à Turenne, rapporte Antoine Paucard.
On ignore sa destinée. Il a peut-être été fusillé pendant la Semaine sanglante.
Sources. Cet article repose sur les numéros 133, 134 et 137 de la revue Lemouzi et particulièrement sur les articles d’Antoine Paucard. Il puise aussi ses informations dans le Maitron, le dictionnaire biographique du mouvement ouvrier et dans l’ouvrage Oubliés de l’histoire, les Limousins de la Commune de Paris de Stéphane Trayaud. Il a été rendu possible grâce aux archives municipales de Brive et au Briviste Jean-Michel Valade.
Pomme Labrousse