Deuxième campagne de fouilles à Thiers : qu'ont découvert les archéologues aux Millières ?

Là où les archéologues ont creusé, ils ont trouvé. Les vestiges de la forteresse gallo-romaine de Thiers ont donné des tas d’indices qui permettent d’en savoir plus sur ce site monumental et méconnu.

"C’est une deuxième campagne hyper positive. Nous avons l’assurance que nous sommes sur le castrum thigernum, aux origines de Thiers et qu’il se trouve dans un état de conservation exceptionnel."

Au moment de ranger les pioches et de plier le "camp de base" après deux semaines de fouilles, les traits étaient tirés mais les esprits satisfaits. Du 22 avril au 3 mai, six étudiants, dirigés par l’archéologue Damien Martinez, ont réalisé des recherches sur le site des Millières, une forteresse mérovingienne située sur le coteau de la montagne, au-dessus du Bout du monde, à Thiers.

Une forteresse de plus d’un hectare

Alors que l’équipe d’archéologues peinait sous une météo capricieuse, les bénévoles de l’association des Amis du patrimoine thiernois menaient également une mission laborieuse. Ils ont fait tout un travail de débroussaillage qui a permis de définir l’intégralité du tracé de l’enceinte. Cela confirme les dimensions de la forteresse : une superficie de plus d’un hectare intra-muros et environ 500 mètres de murs de fortification.

Les trois sondages qui ont été creusés ont livré des vestiges (lire ci-dessous). Deux bâtiments appuyés contre les fortifications ouest et sud laissent penser à l’existence de nombreux autres. Mais seules des fouilles plus importantes permettront de dire à quoi ces édifices étaient dédiés.

Il faudra être patient avant qu’elles ne démarrent. En attendant, des éléments trouvés sur place vont être analysés : céramiques, verre, ossements, mortier, métal…

Les recherches vont se poursuivre loin du terrain, mais grâce à tout ce qu’il a livré.

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Une entrée dans la forteresse large d'environ trois mètres

Les sondages de l’an dernier avaient permis de mettre au jour un angle dans la fortification, correspondant au montant de la porte d’entrée dans la forteresse (il s’agit du mur plus élevé, à droite sur la photo). Les chercheurs ont creusé cette année en face, pour trouver l’autre montant (on voit le trou fraîchement creusé, à gauche de la photo). Et ils l’ont trouvé ! De ce côté, il manque l’énorme pierre à la base du montant, mais elle a laissé sa trace dans la maçonnerie.

Mieux connaître cette entrée permet d’en savoir plus sur ce castrum. "La porte faisait environ trois mètres de largeur", rapporte Damien Martinez, l’archéologue responsable du chantier. Cela confirme donc qu’il s’agit d’une porte cochère, par laquelle des véhicules tractés pouvaient entrer et sortir.

Comment accédait-on au castrum ?

Cette entrée, côté sud, permet aussi de se demander par où on accédait au castrum. L’hypothèse qui se détache est que le chemin plongeait en lacets vers le bas, "grosso modo au Bout du monde", reprend l’archéologue. Le chemin des Margerides, qui part de Dégoulat et qui existe aujourd’hui, est trop étroit et à flanc de montagne pour imaginer des véhicules dessus. "Il y a des chances qu’il n’y ait qu’un seul accès, car c’est trop à pic à droite et à gauche." En contrebas, ce chemin rejoignait ensuite les grands axes vers Lyon et Clermont.

La probabilité d'une tour

Ce sondage a permis de réaliser une troisième découverte. Le tronçon de fortification qui est apparu est orienté de telle manière qu’il laisse envisager l’existence d’une tour. Et justement, souligne l’historien, "on a des indices d’un bâtiment en avancée par rapport à l’enceinte, qui domine la vallée de la Durolle".

Un bâtiment moyenâgeux découvert sur les ruines mérovingiennes

Le troisième sondage était situé à l’extrémité est. Un mur large d’1,30 mètre dépassait à peine du sol lorsque les chercheurs ont commencé à creuser autour à la recherche d’un bâtiment.

Au début des fouilles. 

Ils ont trouvé "un petit habitat modeste de l’époque médiévale (XIe, XIIe siècles) installé dans les ruines du castrum mérovingien", raconte Damien Martinez.Damien Martinez, archéologue. 

Ce sont les tessons de céramique, "pas du tout les mêmes" qu’à l’époque gallo-romaine, qui ont orienté les archéologues sur la piste d’un bâtiment probablement construit en terre et en bois. "Ce sont des vestiges plus modestes, moins puissants, ils traversent moins bien le temps. Mais ils montrent qu’il y a eu des choses en continu ici, même quand Thiers existait déjà", autour de l’église Saint-Genès.La vue sur l'église Saint-Genès et le quartier primitif depuis les Millières.

Un fragment d'amphore d'Afrique du nord

Beaucoup de céramiques mérovingiennes et médiévales ont donc été déterrées ici. Dont un fragment d’amphore africaine daté du Ve ou du début du VIe  siècle. Cette amphore venait d’Afrique du nord, sûrement de Tunisie, et transportait peut-être du vin !

Cela montre que les Millières s’inscrivaient dans un réseau d’échanges d’assez longue distance, en connexion avec la Méditerranée

contextualise le responsable des fouilles.Dans les grandes lignes : la terre sombre correspond à la partie du Moyen Âge, en-dessous, celle plus claire, parce que mélangée à la chaux, relève du castrum mérovingien.

En dessous de cette "couche" d’occupation médiévale, gisent les restes de la forteresse. Sur des niveaux "tellement épais que nos sondages ne nous ont pas permis de descendre plus bas pour des raisons de sécurité. Mais ils présagent un état de conservation assez bon."

Alice Chevrier