En Corrèze, l'autoroute A20 de plus en plus exposée au dérèglement climatique
La pluviométrie record de ses derniers mois accélère le délitement de falaises qui bordent l’autoroute A20, au sud de Brive (Corrèze). Des travaux y sont menés en urgence, avant un chantier de consolidation en 2025.
C’est une preuve supplémentaire que les infrastructures humaines sont directement menacées par le dérèglement climatique : depuis début avril 2024, d’importants travaux sont en cours sur l’autoroute A20, au sud de Brive, pour purger une falaise fragilisée par des semaines de pluies.
Un chantier mené en urgence, comme le confirme Laurent Peyrie, responsable de cette portion autoroutière non concédée, gérée par la Direction des routes du Centre-Ouest (Dirco), un organisme d’État :
En décembre 2023, une inspection a permis de repérer des failles dans cette falaise constituée de grès. De gros blocs risquaient de se détacher et de s’écraser sur la chaussée en contrebas.
La pluviométrie record enregistrée ces derniers mois en Corrèze impacte les infrastructures routières. Fin mars 2024, des explosifs sont venus à bout de gros blocs de granit tombés au bord de la route reliant Tulle à Brive.
En septembre 2023, le contournement nord de Brive, au niveau de la commune de Malemort, avait été l’objet de gros travaux, un mur composé des casiers métalliques remplis de pierres sèches menaçant de s’effondrer. À Lanteuil, la voirie communale est régulièrement endommagée par des glissements de terrain.
La pluie s'infiltre, l'eau creuse des faillesAu sud de Brive, l’autoroute A20 a été aménagée en creusant dans des collines de grès, une roche qu’on pourrait comparer à une cimentation naturelle de sable. Un trafic quotidien d’environ 30.000 véhicules serpente le long de 300 à 400 mètres de falaises, hautes de 10 à 30 mètres.
On constate qu’elles se désagrègent à des vitesses qu’on ne connaissait pas
La pluie s’infiltre dans des failles, en creuse de nouvelles ; la pression de l’eau les élargit, tandis que les sous-couches d’argile n’assurent plus aucune portance.
La portion traitée en urgence se trouve sur la commune de Noailles, juste après le tunnel du même nom, en direction de Brive. Pour ne rien arranger, cette falaise est orientée est/ouest et subi de plein fouet les précipitations.
" Heureusement, il n’y a pas eu de forts épisodes de gel durant l’hiver", poursuit Laurent Peyrie. L’alternance du chaud et du froid favorise aussi l’instabilité géologique.
Un vieillissement prématuré et accéléréMême si ce ne sont pas de véritablement des rochers qui risquent de tomber sur la chaussée de l’autoroute, la Dirco ne peut prendre aucun risque : "En tombant, les blocs s’écraseraient sous forme de sable, avec un impact pour l’adhérence des véhicules."
Face à ce vieillissement prématuré et accéléré des falaises, et l'expérience vécue à l'été 2021, il faut employer les gros moyens, tout en faisant preuve de retenue et de minutie. Si c’est bien une énorme pelleteuse de démolition qui œuvre, son bras (d’une vingtaine de mètres de long !) est équipé d’une fraise, un peu comme celle du dentiste.Travaux en cours sur les falaises de Puyjarrige, Autoroute A20, Brive La Gaillarde, Corrèze Illustration travaux autoroutier pelleteuse falaise
" Elle élimine les matériaux et creuse un peu la roche, afin d’obtenir un angle un peu adouci. Mais il ne s’agit pas d’y aller en force, prévient Laurent Peyrie. Il ne faut pas accentuer le phénomène ou créer de nouvelles failles."
L’avantage de cette méthode, c’est qu’elle produit des matériaux relativement fins, plus faciles à évacuer et ensuite à valoriser, en tout cas d’un point de vue économique.
Quant à la végétation qui pousse au sommet des falaises, elle ne constitue pas forcément un allié : "En s’enfonçant dans les sol, les racines des arbres contribuent à créer des failles. Et pour pouvoir les repérer, il a fallu couper la végétation à l’automne dernier."
Tout doit être terminé avant début maiCe chantier a un impératif : terminer la purge avant le gros week-end du 8 mai, qui cumule jour férié et pont de l’ascension, synonyme d’un trafic routier intense. "Nous sommes dans les temps", assure le cadre de la Dirco.
Mais les travaux ne seront pas pour autant finis. Après cette première phase de 500.000 euros, un autre chantier devra suivre, celui de la consolidation de la falaise. Le programme définitif est encore suspendu aux études en cours, mais il faudra très certainement installer un système de drainage, au cœur de la falaise, et ensuite ancré un parement afin de prévenir d’éventuelles chutes de matériaux.
"Cette deuxième partie aura lieu à la belle saison 2025", souligne Laurent Peyrie, avec son lot de perturbation pour le trafic : soit un rétrécissement de circulation sur une voie, soit une bascule complète sur l’autre voie.