"Jacques Callot, maître graveur du XVIIe siècle", une exposition exceptionnelle au musée du Pays d'Ussel
Le musée du Pays d’Ussel rouvre ses portes avec une exposition de haute volée « Jacques Callot, maître de la gravure au XVIIe siècle ». À ne pas manquer.
Le directeur du musée du Pays d’Ussel Melvin Mouton n’y va pas par quatre chemins : « Cette exposition, c’est une réunion de chefs-d’œuvre ! » Soixante-cinq exactement, parmi les plus virtuoses et les plus connus à travers le monde, du maître de la gravure Jacques Callot, né en 1592 et décédé en 1635.
Son nom ne vous dit rien ? À son époque pourtant, au XVIIe siècle, il comptait pourtant parmi les artistes les plus reconnus à travers l’Europe. À la cour des Médicis, il est pensionné par Cosme II, le maître de Florence, qui lui installe un atelier aux Offices. Plus tard, de retour dans sa Lorraine natale (le duché est alors indépendant et florissant), il s’impose comme artiste de cour auprès de Charles IV.
À la fin de sa vie, il se fait l’historiographe de Louis XIII dans deux gravures phénoménales décrivant les sièges de La Rochelle et l’Île de Ré. Mazarin d’ailleurs se fera fort de collectionner le millier de gravures signées de la main de Callot, qui inspirera ouvertement Goya et Rembrandt ; jusqu’au XIXe siècle, « tous les amateurs se l’arrachent », résume Melvin Mouton.
Fugue à RomeÀ commencer par La foire d’Impruneta, un prêt exceptionnel du musée Roger-Quilliot à Clermont-Ferrand. Une gravure grand format, peu habituel dans son corpus - réalisée en Toscane et qui fourmille littéralement de « 1.138 figures individualisées, toutes différentes. Elle révèle son talent du détail et de la finesse et s’inscrit dans le climat philosophique et scientifique régnant à l’époque en Toscane. Il retranscrit l’idée du microcosme, que l’on peut montrer tout un univers sur un tout petit bout de papier. »Dans La foire d'Impruneta, le sens du détail et la précision du trait de Callot sont déjà en place.
L’Italie, Jacques Callot y a déjà vécu, une quinzaine d’années plus tôt, lors de sa fugue à Rome. Il a alors 12 ans. Son père, un noble lorrain, veut le faire prêtre. Il suit une troupe de bohémiens jusqu’à Rome au cours d’un périple picaresque qui inspirera, dans les dernières années de sa vie, sa célèbre série des Bohémiens. Des estampes « à l’esprit nostalgique, comme un retour en enfance », analyse Melvin Mouton. Qui montre aussi que l’artiste s’est toujours intéressé « aux gens en marge de la société, à leur façon de vivre ».
Sa fugue tourne court, il est rattrapé par son frère ; au moins, son père le confie-t-il à l’orfèvre Demange-Crocq, qui lui enseigne les rudiments de la gravure.
À peine 5 ans plus tard environ, Jacques Callot repart à Rome, pour rejoindre cette fois l’atelier du graveur toulousain Thomassin. Là encore, l’aventure tourne court, mais il est lancé. Il rejoint Florence et s’installe au sommet.
Luxe de la cour et misère du petit peupleC’est là qu’il réalise la remarquable série Balli di Sfessania, 24 estampes saisies sur le vif des rues toscanes, qui « institutionnalisent l’archétype des personnages de la comedia dell arte » tels que Molière s’en inspirera deux siècles plus tard. La série également des Gobbi (ou nains difformes), 20 estampes burlesques et caricaturales qui évoquent « l’univers impitoyable » d’alors. « Il y a la splendeur et le luxe des Médicis et ces gens qui luttent pour survivre ; il ne l’oublie pas. »
Les Bohémiens en marche : le départ.Après la mort de Cosme II en 1622, Jacques Callot, privé de pension, rentre en Lorraine, où il poursuit son grand œuvre. Il réalise la série des Bohémiens donc, mais aussi, plus classique, celle de La Grande Passion qui l’inscrit dans le mouvement de la Contre-Réforme catholique. Son Couronnement d’épines est l’une des seules estampes qu’il traite nocturne, un geste d’une virtuosité incroyable.
L’invasion de la Lorraine par le roi de France en 1633 lui inspire encore Les grandes misères de la guerre, 18 estampes qui disent tout de « la réalité de la guerre », résume Melvin Mouton. Les conséquences de la bataille sur les civils et les soldats, du pillage des fermes aux supplices infligés aux soldats réprouvés, elles illustrent un combat sans pitié « entre le vice et la vertu. C’est la série la plus diffusée en Europe. » Goya s’en inspirera dans ses Désastres de la guerre ; il ne sera pas le seul à lui rendre hommage.
L'exposition « Jacques Callot, maître de la gravure au XVIIe siècle » est à voir jusqu’au 1er juin dans la galerie d’exposition, 18 rue Michelet. Entrée libre, du mardi au samedi de 14 heures à 18 heures. Le catalogue de l’exposition est en vente (24 €). Visites guidées les 3 et 20 avril, les 4 et 22 mai, à 15 heures.
À l'agenda du musée
Conférence de présentation de l’exposition, à la Micro-Folie la Grange, jeudi à 18 heures (gratuit).
Initiation à la linogravure le 30 mars (niveau primaire) et le 10 avril (niveau collège), gratuit.
Visite-conférence « Le filigrane, une enquête de papiers », le 11 avril à 18 heures (gratuit).
Chasse au trésor « A la recherche de Scapin », le 17 avril à 15 heures (gratuit, niveau maternelle et primaire).
Escape-game familial « Faux-airs de commissaire », le 18 mai à 15 heures (dès 6 ans, 5 €, gratuit -18 ans).
Visite contée « A la découverte de Molière et d’Arlequin », le 1er juin à 15 heures (gratuit, niveau maternelle et primaire).
Blandine Hutin-Mercier
Photos Agnès Gaudin