Madame Artisanat 2024 est puydômoise !
Parmi 570 candidatures, c’est celle de la Puydômoise Isabelle Dapzol, architecte maquettiste, cheffe de l’entreprise Archi-Tact aux Martres-de-Veyre, qui a retenu l’attention du jury national de Madame Artisanat 2024. Elle a reçu son prix, mercredi 27 mars, à Paris.
Je suis Madame Artisanat ! ». Au milieu de son atelier encombré de machines, de morceaux de bois, de boîtes de couleurs… Isabelle Dapzol éclate de rire. Un rire qui en dit beaucoup. La joie, la fierté, l’excitation, mais aussi une sorte de… soulagement.
« J’ai beaucoup douté, failli arrêter plusieurs fois » reconnaît la quinquagénaire, camouflant l’émotion derrière ses grosses lunettes et un humour d’écorchée vive.
Elle attrape l’une de ses maquettes tactiles en bois en cours de réalisation, celle du Moulin de la Recoule à Domaize. C’est une commande d’une association de défense du patrimoine qui a lancé un appel aux dons pour financer ce matériel à destination des visiteurs du moulin en situation de handicap visuel. Mais aussi, finalement, pour des enfants ou des personnes touchées par d’autres formes de handicaps.
Car « ces maquettes à regarder avec les mains » comme elle les appelle, se sont, au fil des années, révélées être de formidables outils pédagogiques. « Ici, touche-t-elle, ce sera la roue du moulin, à part pour bien décrire le mécanisme. Mais, parfois, c’est le toit qui se soulève pour découvrir l’intérieur des bâtiments ». D’autres fois, les pièces s’interchangent pour s’approprier le lieu, évolutif, par le toucher. « À chaque maquette, il faut être ingénieux, inventif pour permettre aux utilisateurs de s’imprégner littéralement des monuments ».
Toucher le patrimoine du bout des doigtsIsabelle Dapzol adore ces challenges et autres défis techniques. Mais, « c’est que ce trophée, cette reconnaissance, Madame Artisanat 2024, me rebooste. Je ne me suis pas trompée dans mes choix, dans mes batailles… depuis vingt-cinq ans ». Vingt-cinq années à creuser le sillon de son entreprise Archi-Tact. Le sien en fait : elle est Archi-Tact à elle toute seule. Pas de salarié, pas d’apprenti. Rien qui entrave sa liberté. De créer, d’imaginer, d’innover….
Des chemins de traverse qu’elle emprunte depuis très longtemps, avant même d’obtenir son diplôme d’architecte à Clermont-Ferrand. « J’étais jeune, je venais de participer à la réalisation d’une maquette du château d’Effiat destinée aux visiteurs non-voyants. J’ai adoré travailler les couleurs, les contrastes visuels, les textures, donner un autre sens à la maquette… ».
Car il ne s’agit pas de représenter fidèlement l’ouvrage, mais de donner à voir et à comprendre du bout des doigts. « J’ai décidé que mon projet de fin d’étude serait de réaliser une maquette de la ville de Clermont-Ferrand au fil des époques ».
On lui rétorque qu’elle ne construit rien, qu’elle prend des risques, qu’elle n’aura pas son diplôme. Elle présente tout de même son travail et repart avec les félicitations du jury.
À cette époque, elle est déjà engagée avec la ville de Riom qui lui commande plusieurs maquettes, l’hôtel de ville, la Tour de l’Horloge… À chaque fois, elle fait tester son travail par les premiers concernés, « pour ne rien louper ». Perfectionniste. Un caractère aussi. Et une réputation jusqu'au-boutiste qui la précède désormais.
Uniquement du boisCar elle n’a jamais cessé de travailler. Et ses maquettes se retrouvent partout en France. Elle n’a jamais arrêté de se battre non plus : « Je n’ai jamais voulu faire autre chose que des maquettes en bois. Je perds beaucoup de marchés face à la concurrence éprise de résine. Mais ça ne fait rien ! Je persiste ».Elle rit et lance pleine d’humour : « Je suis Madame Artisanat, non ? »
Cécile BergougnouxPhoto Francis Campagnoni et Archi-Tact