Passé glorieux, vieilles pierres et faits divers... Dans une belle monographie, Elise Chagot raconte Ségur-le-Château
Elle a vécu plusieurs années à Ségur-le-Château, en Corrèze. Généalogiste et historienne locale, Elise Chagot retrace l’histoire de cette remarquable cité corrézienne à travers ses trente-six logis et leurs habitants.
Son nom veut dire « lieu sûr ». Pittoresque cité médiévale corrézienne, berceau des premiers vicomtes de Limoges, dominée par les vestiges d’un château du Xe siècle, Ségur-le-Château fait partie des plus beaux villages de France.
Une approche originaleSituées sur la presqu’île d’une boucle de l’Auvézère, ses maisons nobles à tourelles ou à colombages, témoignent de sa grande prospérité entre le XVe et le XVIIIe siècle. Comme de son pouvoir et de son prestige : la cour d’Appeaux de Ségur-le-Château rendait justice sur 361 Seigneuries de la région jusqu’à sa suppression en 1750. La généalogiste et historienne locale Élise Chagot lui consacre un livre, Ségur intime : Histoires mêlées de pierres et d’Hommes, illustré par les très belles photographies de Pauline De Vos. Avec une approche originale : raconter l’histoire du village, à travers celles de ses 36 logis et de leurs habitants.
Élevage et commerceDès le XVe siècle, l’élevage et le négoce de bétail se développent à Ségur. À l’époque, le Limousin joue un rôle de premier plan dans l’approvisionnement de Paris en viande bovine. Le jour de la mi-Carême à la foire de Ségur-le-Château, on pouvait trouver entre 1.000 et 1.200 bœufs. Tout au long des XVIIIe, XIXe et XXe siècle, une myriade de petits artisans et commerçants est installée dans la cité. Il s’agit d’aubergistes, d'épiciers, de maçons et charpentiers, comme de marchands de vins et marchands drapiers, mais aussi de tailleurs d’habits, perruquiers, bottiers, tanneurs ou meuniers… Au niveau démographique, Ségur atteint son apogée au milieu du XIXe siècle, avec 1.105 habitants.Au niveau démographique, Ségur atteint son apogée au milieu du XIXe siècle, avec 1.105 habitants. Photo Stéphanie Para.
Bon voisinage en 1759Elise Chagot relate un épisode insolite. En avril 1759, Jacques Sillonet passe un accord avec son voisin immédiat, François Lascoulx-Laforêt. Le premier, « pour faire plaisir à l’autre », s’engage à « faire détruire des latrines ayant ouverture dans sa chambre de derrière et leur dégorgement et vidange dans la basse-cour de son voisin ».
Un Corrézien qui a rencontré NapoléonEn 1812, François Deschamps, étudiant en notariat âgé de 20 ans, fait partie des conscrits de l’empereur Napoléon. En 1813, cité pour bravoure, il intégre exceptionnellement la Garde impériale, affectée à la protection de l’empereur, en tant que grenadier à cheval.
Le 4 mars 1813, dans une lettre adressée à ses parents, il relate sa rencontre avec Napoléon : « C’est un petit homme pâle, mis le plus simplement possible, monté pourtant sur un joli cheval blanc. » François Deschamps fait partie de 40.000 soldats qui vont parader à Dresde à l’occasion de l’anniversaire de l’empereur.
En août 1813, il participe à la campagne de Russie qui se transforme en débâcle. Il tombe malade, son cheval est tué d’un coup de boulet. Le 9 novembre 1813, on le retrouve à l’hôpital de Metz dans un dénuement total. Le 15 décembre, il meurt « d’une forte fièvre » à l’âge de 21 ans, comme tant de jeunes gens de son âge, sacrifiés sur l’autel de la guerre.
Ségur-le-Château a un très riche patrimoine architectural. Photo : Stéphanie Para.
Un crime à SégurLe lundi 24 mai 1880, des agriculteurs qui se rendent à la foire de Ségur retrouvent un corps inanimé à hauteur du logis du Rouchillou. L’homme, élégamment vêtu, a le crâne fracassé. Ses mains portent des traces de coupures et d’écrasement. Il est rapidement identifié, il s’agit du médecin et ancien maire du village, Eugène Dumas. L’enquête démontre rapidement que cet homme connu pour ses qualités qui jouissait d’une fortune considérable, a été assassiné chez lui, puis, déplacé. Mais le vol ne semble pas être le mobile du meurtre, les valeurs du défunt se trouvant encore dans le secrétaire de sa chambre.
Un polar historiqueDans son livre, comme dans un polar historique, Elise Chagot nous fait suivre l’enquête, fait un retour en arrière, déroule le fil des évènements, pas à pas, avec maints détails.
Très rapidement, la rumeur gonfle et les soupçons des gendarmes s’orientent vers le neveu du défunt. Âgé de 23 ans, lettré, bon musicien et dessinateur, ce dernier a déjà dans son casier judiciaire deux condamnations pour abus de confiance. Il sera jugé les 3 et 4 septembre 1880 par la Cour d’assises de la Corrèze. Sera-t-il condamné ? La réponse se trouve dans le livre d’Elise Chagot.
La sortie du livre, Ségur intime, est prévue le 21 mars. On pourra le commander au prix de 30 € par mail à segur-intime@orange.fr. La liste des points de vente sera disponible sur le site histoires-melees-de-pierres-et-dhommes.fr
Qui est l'autrice du livre ?Élise Chagot est généalogiste depuis 28 ans. À l’époque, elle s’est lancée à la recherche des racines de sa grand-mère maternelle, une blonde aux yeux bleus. « Mes recherches ont confirmé qu’elle était d’origine espagnole, même si son physique ne correspondait pas du tout à l’image qu’on se fait des Espagnols. »
Quelles ont été ses belles découvertes dans son travail sur Ségur-le-Château ? « J’ai beaucoup aimé le moulin Grimal pour la ténacité de ses hommes et l’histoire du dernier juge de la cour des appeaux à Ségur, Jean-Baptiste Teytut, ou l’histoire de ce père dont personne ne voulait l’héritage. Mais aussi, les disputes à l’église et l’omniprésence de l’adjoint au maire à toutes les messes du dimanche. À l’époque, on demande au maire, en plein soin médical, de trancher. Ce sont des petites bribes d’histoire, comme des pièces de théâtre. »
Dragan Perovic