En Creuse, le personnel de justice se mobilise : « On dénonce une souffrance »
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Magistrats et fonctionnaires de justice étaient en grève, ce mercredi 15 décembre à Guéret, pour réclamer de meilleures conditions de travail, à l'image de leurs homologues nationaux.
De mémoire, la dernière mobilisation d’agents du tribunal judiciaire de Guéret remontait à 2014, avec le mouvement des greffiers en colère. Ce mercredi 15 décembre, sur les coups de 11 heures, regroupés sur les marches de l’imposant bâtiment donnant sur la place Bonnyaud, magistrats et fonctionnaires de justice se sont à nouveau mobilisés.
Manque de moyens et perte de sensPour dénoncer tout à la fois l’augmentation de la charge de travail sans les « moyens humains et matériels nécessaires pour y faire face », la « précarisation et la contractualisation croissante des postes de fonctionnaires nécessaires au fonctionnement du service public de la justice », les « injonctions contradictoires incessantes […] où il nous est reproché à la fois d’être laxistes et trop répressifs », et, in fine, la « perte de sens » ressentie par de nombreux agents.
Aujourd’hui, on dénonce une souffrance. C’est très rare que les agents s’expriment et c’est d’autant plus inquiétant.
Le manque de moyens dénoncés n’est toutefois pas propre à la juridiction de Guéret. « Ce n’est pas forcément dû à un petit territoire, c’est plus profond que ça. C’est un problème systémique. »
Dans la motion déclamée par une robe noire sur le parvis du tribunal, la responsabilité du ministère de la Justice était clairement visée. Étaient dénoncés son absence de « méthode d’évaluation des charges de travail » et son « aveuglement volontaire […] sur la situation de souffrance au travail qui concerne désormais la quasi-totalité des agents ». Alors que se déroulent actuellement les États généraux de la Justice, la motion a justement vocation à remonter au ministère les difficultés rencontrées par les agents, qu’ils soient personnels de greffe, adjoints administratifs techniques, magistrats, auxiliaires de justice, avocats, forces de l’ordre ou encore huissiers.
Conséquences sur le justiciablePour appuyer sa demande, le personnel de justice n'a pas manqué, en particulier, de faire référence aux « collègues européens ». « On est très mal lotis par rapport aux autres pays européens (*), assure Sandrine Fabre. Je ne sais pas si les citoyens le savent. » La critique du manque de moyens ne concerne pas que l’humain, mais touche aussi les outils, à l’image du logiciel pénal utilisé depuis 2010. « Il n’est pas si vieux, mais les réformes y sont intégrées tardivement… Ou pas », déplore Véronique Goricanec, greffière. « Ça crée une insécurité procédurale, des tensions, des risques d’erreur. Il y a un stress qui ne nous quitte quasiment jamais. »
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Dans ces conditions, les marques de soutien au mouvement ont particulièrement touché les hommes et femmes en robe noire. Celle des avocats notamment, à l’image de maître Bonnin qui, sortant du tribunal, leur lançait : « On est tous dans le même bateau, la même galère ». Des policiers ont également fait acte de présence. Enfin, quelques citoyens se sont montrés concernés par la mobilisation.
On a pu constater qu’il y avait une grande bienveillance du justiciable, qui, comprenant la problématique, réclamait pour nous des moyens.
« Aujourd’hui, il faut réfléchir à quel sens on veut donner à notre travail et à l’image qu’on peut renvoyer, estimait Sandrine Fabre. Car le justiciable, lui, voit et subit les conséquences de notre travail. »
(*) Selon un rapport publié fin 2020 par la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ), la France compte 10,9 juges pour 100.000 habitants, contre une médiane à 17,7 et une moyenne à 21,4 à l’échelle européenne. Les procureurs sont trois pour 100.000 habitants en France, alors que la moyenne en Europe s’élève à 12,13 et la médiane à 11,25.
Daniel Lauret