En Creuse, pourquoi les responsables du Samu et des Urgences de Guéret tirent la sonnette d'alarme ?
Des patients qui ne peuvent pas être pris en charge correctement, qui attendent parfois deux jours dans les couloirs des Urgences ou qui sont même renvoyés chez eux : depuis plusieurs semaines, le manque de lits en médecine fait craindre le pire aux responsables du Samu et des Urgences de Guéret.
« Les gens arrivent, on les installe comme on peut, on essaie de les consulter avec un maximum de dignité et d’intimité mais on ne peut pas leur proposer la solution la mieux adaptée à leur état de santé. Notre travail, c’est de soigner les gens. Là, on les maltraite : on les laisse sur des brancards dans les couloirs. La plupart du temps, ce sont des personnes âgées. »
Plus de la moitié des lits de médecine fermés en trois ansLe responsable des Urgences au centre hospitalier de Guéret, le docteur Éric Roy, a plus de trente ans de métier ici mais il n’a jamais connu ça. Son collègue, le docteur Bruno Verguet, responsable du Samu, non plus. C’est même ce qui les conduit à tirer aujourd’hui la sonnette d’alarme pour que « les gens sachent ». Cette même sonnette d’alarme qu’ils tirent depuis plusieurs mois auprès de leur direction et de l’Agence régionale de santé. Le coup de grâce ?
« Début octobre, la direction a fermé quinze lits de médecine du jour au lendemain. Depuis deux mois maintenant, on va de réunion en réunion, de cellule de crise en cellule de crise pour faire valoir les difficultés de prise en charge des patients mais aucun lit n’a été rouvert. »
Aujourd’hui, le service de médecine compte en tout et pour tout 45 lits quand, il y a trois ans, il en avait plus de 100. « Entre-temps, on a connu la plus grosse crise sanitaire du siècle », glisse ce médecin.
Des médecins qui sont parfois obligés de renvoyer des patientsMoitié moins de lits en médecine, forcément, les Urgences sont les premières impactées. « On a de grosses difficultés pour faire venir des patients : en régulation Samu, on s’assure déjà que leur état le justifie, poursuit le docteur Verguet. Et une fois qu’ils sont là, on n’a pas de places pour les hospitaliser. On cherche à droite, à gauche mais on n’en trouve plus. On n’a même plus la ressource des hôpitaux de Bourganeuf ou d’Aubusson, qui nous permettaient de faire tampon à une époque : eux non plus n’ont aucun lit de disponible. C’est toute la Creuse qui est saturée. Et malheureusement, on est parfois obligés de renvoyer des patients. »Une situation qui s’est particulièrement aggravée depuis une semaine.
« Depuis huit jours, on n’a plus aucun lit de disponible. Et chaque matin, on a entre dix et quinze patients qui attendent. Ce matin, on avait même plus de vingt patients dans les Urgences et aucune place dans les 24 heures en médecine. »
Avec en prime, un flux quotidien d’une soixantaine de personnes aux Urgences.
Des patients qui attendent parfois pendant deux jours« On ne peut plus s’occuper des patients qui arrivent, ni même de ceux qui doivent partir. On doit les surveiller alors ils restent aux Urgences, dans les couloirs ou dans les box. Là, on en a une quinzaine qui attendent. Et plus un patient reste aux Urgences, plus son cas peut s’aggraver. » Quand, en temps normal, un patient reste ici cinq heures en moyenne, aujourd’hui, « on a des gens qui sont là depuis deux jours. C’est une maltraitance permanente vis-à-vis des patients qui, eux, n’ont rien demandé. Mais c’est là que des problèmes arrivent. Il va arriver un drame ici, c’est sûr et les responsables, ce seront les urgentistes ».
Un personnel usé, fatigué, désabusé« Le personnel des Urgences est usé, fatigué, désabusé, reprend le docteur Verguet. Le monde d’après qu’on nous promettait est pire que celui d’avant. La plus grande difficulté, pour les soignants et pour les patients, c’est aujourd’hui qu’elle commence. Il nous faut maintenant des mesures urgentes, concrètes, rapides. On ne peut pas ouvrir deux lits par-ci, deux lits par-là puis les refermer aussitôt qu’ils sont libérés. Est-ce qu’il existe un autre hôpital où on a fermé la moitié des lits depuis la crise Covid ? On nous fait valoir un manque de personnel médical et paramédical : on le comprend. Il manque au moins une vingtaine d’infirmiers, une dizaine d’aides-soignants et peut-être une bonne vingtaine de médecins. Et je ne parle pas des arrêts de travail en cours. Mais peut-être faudrait-il mettre en place les bonnes conditions pour rendre cet hôpital attractif. Et l’hôpital public en général… »
Ce vendredi 3 décembre. Dominique Grand, qui assure la direction par intérim de l’hôpital de Guéret depuis le départ de Karim Amri, n’a pas souhaité s’exprimer ce jeudi sur le sujet. Elle prendra la parole vendredi, à l’issue d’une cellule de crise qui doit se tenir dans la matinée.
Séverine Perrier