« Country Rock », le 39ème et très personnel album de l'infatigable Eddy Mitchell
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Eddy Mitchell vient de sortir (le 19 novembre) son 39ème album, enregistré avec ses meilleurs et fidèles musiciens. Douze titres qui balaient la société bien française, flinguent ou saluent l’Amérique. Et toujours au son du rock ou de la country. Sans oublier un hommage à « un ami, un demi-frère, presqu'un sosie » : un certain Johnny Hallyday.
Contrairement au titre d’une de ses fameuses compilations – Tout Eddy pour ne la point nommer –, Monsieur Eddy n’a pas tout dit. À 79 ans, retiré de la scène depuis dix ans à l’exception de la tournée des Vieilles canailles, il reste présent au cinéma avec trois tournages en 2021, dont le second volet des Vieux fourneaux avec Pierre Richard et Yves Lecoq. Il faut bien payer son nouveau système audio atmos : « Douze baffles, trois amplis… Du velours. T’as l’impression qu’Otis Redding te murmure à l’oreille… Ce garçon était très sympathique au demeurant. » Son dernier album (sorti le 19 novembre), le 39ème, y participera aussi. Il s’appelle Country Rock, « parce qu’il y a de la country et du rock », argumente prosaïquement le principal intéressé. Musicalement, c’est comme le Port-Salut, c’est donc écrit dessus. Quant à la qualité du produit, on ne peut être que pleinement satisfait.
Son hommage à JohnnyPour cela, Eddy Mitchell même en enregistrant pour la première fois 100 % en France, a fait appel à ses gars sûrs d’ailleurs et d’ici : Charlie McCoy (harmonica, vibraphone), Russ Hicks (pedal steel guitar), Basile Leroux (guitares), Michel Gaucher (sax et arrangement cuivres), Jean-Yves d’Angelo (direction orchestre et claviers) et bien évidemment Pierre Papadiamandis (compositeur et co-réalisateur)… « Quand on a les meilleurs, pourquoi changer?? » Les textes - ne devrait-on pas dire les histoires?? - sont signés Eddy Mitchell qui lit, écoute, constate, relate et surprend. L’album s’ouvre tout en délicatesse avec Un petit peu d’amour. C’est son hommage - qui vaut bien toutes les statues – à « un ami, un demi-frère, presqu’un sosie ». La voilà cette ode à Johnny Hallyday.
« Il a fallu la mûrir. J’attends toujours une musique pour écrire. Celle-là, Pierre Papadiamandis me l’a amenée il y a deux ans mais je ne trouvais pas l’idée. Et puis un soir, en regardant de vieilles photos de Johnny et moi… »
C’est une chanson très tendre mais qui dit clairement les choses sur la disparition de son ami d’enfance et les querelles qu’elle a engendrées : « J’ai vécu tout ça comme une trahison. Mais c’est de sa faute, c’est lui qui a voulu tout cela. Il faisait confiance à tout le monde, le dernier à parler avait toujours raison avec lui. J’explique ça. C’est une chanson de reproches, avant d’être une chanson d’amour. »
Projet de braquageOn enchaîne avec Né dans le ghetto et là encore une référence surprenante au rap : « Dites-moi où est l’harmonie là-dedans et on envisagera alors l’hypothèse, mais pour moi le rap ce n’est pas de la musique. Mais je trouve que les rappeurs sont considérés comme les “rock’n’rollers” des années 50 et 60 qu’on traitait aussi d’imbéciles et d’analphabètes. J’y vois des similitudes. J’ai ressenti cet ostracisme, j’ai vécu des critiques monstrueuses comme celles de Jacques Chancel, qui n’envisageait alors le monde qu’avec Piaf, Brel et ce beau garçon d’Yves Montand. » Comme certains rappeurs du moment, Eddy Mitchell aurait-il pu mal tourner dans sa prime jeunesse?? « Mais bien sûr, on avait même des projets. Au Crédit Lyonnais du côté de Belleville, il y avait le service des “monnaies et matières”. En face, il y avait la BNP et toutes les semaines, un transport de lingots entre les deux établissements. C’était un petit bonhomme qui trimballait ça tranquillement. C’était une bonne idée, c’était innocent, parce qu’on ne le remarquait pas. Moi, je l’avais bien remarqué mais j’avais déjà plus de talent pour le chant que pour le braquage. »
La parole des anonymesRetour à la triste réalité de nos vies d’aujourd’hui avec les titres Droite dans ses bottes ou Les blessures d’amour qui dénoncent les violences conjugales, le viol et l’impardonnable. « Ce qui est navrant, c’est la lenteur de la justice. Ce qui est nettement mieux c’est la liberté de parole aujourd’hui. J’ai été touché par le récit de toutes ces femmes qui n’osaient pas parler avant. C’est la parole des anonymes qui m’intéresse, pas celles des têtes couronnées. Je suis français, très heureux comme cela. Je pense aimer tout simplement les gens ». Il n’y a qu’à écouter Je suis comme toi pour comprendre que la relation est forte entre l’artiste et ces gens, son public. Reste aussi à découvrir une reprise de Stardust (« la plus belle chanson du monde ») ou Roulette russe, où il est question de la fin de vie. Eddy annonce son refus de la petite mort programmée, avec l’humour détaché et tranché qu’on lui connaît : «Les façons, les moyens, d’faire une croix sur l’destin, sont séculaires, voire millénaires, pour inscrire le mot fin, mourir est la chose qui se produit, rien qu’une fois dans la vie, roule, roule, roulette russe ». On va donc finir là-dessus, en attendant le prochain album de Monsieur Eddy.
Pierre-Olivier Febvret