A Chambon-Sainte-Croix (Creuse), le maire interdit l'accès de la mairie aux autres élus
Rupture de confiance totale entre le maire de Chambon Sainte-Croix et son conseil municipal. L’un se cloître dans sa mairie, les autres disent en avoir peur. La Préfecture et les élus communautaires peinent à trouver une solution.
La mairie de Chambon-Sainte-Croix, sa serrure changée, ses volets fermés, sa boîte aux lettres condamnée et un couple qui veillent au grain. Quand on se promène autour de ce lieu transformé en bunker, se dégage la curieuse sensation d’être épiés. À raison, la porte s’ouvre, une femme sort.
« Ah, l’autre qui se croit plus intelligent que tout le monde vous a parlé, c’est ça ? Il appelle les gendarmes toutes les heures, ils doivent en avoir marre ! », ricane celle qui se présente comme « l’amie du maire ».
De drôles de conflits en Corrèze aussi
« Ne leur parle pas ! », beugle une voix depuis la mairie. Dont acte : « Je n’ai plus rien à vous dire », fait soudain mine de décider cette habitante connue sous le nom d’Isabelle. Nous sollicitons alors le maire en direct… « Vous êtes des emmerdeurs ! » obtient-on en guise de réponse.
POLITIQUE. Problème conflit conseil municipal commune Chambon-Sainte-Croix, octobre 2021.Fins de non-recevoirJacques Dailly ne veut pas parler aux journalistes (*), mais cela fait longtemps que le dialogue est rompu avec une partie de la commune et son conseil municipal.
Ainsi, les six autres conseillers municipaux ne peuvent pas accéder à la mairie, puisque seul le maire à la clé. La secrétaire de mairie est en arrêt maladie, se disant « harcelée » par l’édile.
Et les habitants, au milieu, sont privés de la possibilité d’effectuer des démarches simples comme récupérer un extrait d’état civil pour refaire une carte d’identité.
« M.Dailly nous empêche d’accéder à nos fonctions », déplore Jean-François-Mérigot. « L’autre » du début, c’est lui. Le premier adjoint. Il évoque 140 mails non ouverts sur l’adresse de la municipalité et des projets au point mort, comme celui d’une centrale photovoltaïque.
POLITIQUE. Problème conflit conseil municipal commune Chambon-Sainte-Croix, octobre 2021.
Le divorce entre le maire et les élus est consommé depuis ce conseil municipal du 11 mai. Jacques Dailly se serait montré virulent envers une conseillère, Jean-François Mérigot prend sa défense et, raconte-t-il, « les insultes fusent ».
« Tout fébrile, il est revenu avec un flingue »Et le premier adjoint de dépeindre un maire fragile : « au mois d’octobre, il nous a dit qu’il était agressé par des membres de la famille de l’ancien maire M.Tixier. Tout fébrile, il est revenu avec un flingue en disant qu’il se défendrait lui-même ».
La secrétaire de mairie, qui veut rester anonyme, décrit, elle, un enfer.Le 29 mars, alors qu’il y a une fuite d’eau sur la commune, elle découvre son « vrai visage » : « je lui ai dit qu’il serait judicieux d’alerter la population, il m’a répondu qu’il n’en avait rien à foutre et qu’ils se démerdent ! J’ai fait un malaise et au lieu de me demander des nouvelles, il s’impatientait de mon retour ».
Effrayée par ses accès de colère et ses brimades -dont elle cite quelques extraits : « Tu es une incapable ! Tu ne mérites pas ton salaire » –, elle s’enferme à clé dans son bureau ou ne sort plus de chez elle. Elle repart en arrêt maladie le 27 avril, depuis cette date il n’y a plus de secrétaire de mairie à Chambon-Sainte-Croix. Sauf quand le maire est lui-même en arrêt…
Blocage politiquePour les six conseillers municipaux, pourtant de « camps » politiques différents, la situation est claire : il faut que le maire s’en aille pour que la commune respire à nouveau.POLITIQUE. Problème conflit conseil municipal commune Chambon-Sainte-Croix, octobre 2021.
Le 29 septembre, la Préfète a réuni le maire, les conseillers municipaux et des élus communautaires pour négocier une sortie par le haut. Tous les élus chambonnais tombent d’accord pour démissionner, y compris le maire afin d’organiser de nouvelles élections. Sauf que… le maire refuse finalement.
À court de solutions, Virginie Darpheuille missionne Laurent Daulny, président de la communauté de communes du Pays Dunois et Guy Marsaleix, conseiller départemental du canton de Bonnat, pour une médiation entre le maire et les élus. Laurent Daulny obtient de Jacques Dailly un accord de principe pour une démission collective… mais les 6 conseillers municipaux s’y refusent désormais ! « Tant qu’il prend en otage la mairie, on refuse de démissionner » explique Jean-François Mérigot.
« Pas de démission tant qu’il prend en otage la mairie »Et certains de voir dans la nouvelle position des élus opposés au maire, une « instrumentalisation politique » et de craindre « pour la vie de Jacques Dailly, un homme fragile »
« En 17 ans de vie politique, je n’ai jamais vu pareille situation ! » s’exclame Laurent Daulny. Le président de l’intercommunalité se félicite de « toutes les tentatives d’apaisement » mais craint que « cette politique soit arrivée au bout du bout ».
Selon lui, une forme de « tutelle de la Préfecture sur la commune » est inéluctable.
(*) Nous lui avons par deux fois proposé de s’exprimer sur la situation. À chaque fois il a décliné.
Tom Jakubowicz