Ces chênes centenaires de la forêt de Randan (Puy-de-Dôme), bâtisseurs de Notre-Dame
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Dix arbres issus de la forêt de Randan (Puy-de-Dôme) ont été sélectionnés pour rebâtir la charpente de la cathédrale de Notre-Dame de Paris. Ils sont partis en scierie début septembre. Rencontre avec l’homme qui les a méticuleusement choisis.
Ils sont grands. Ils sont beaux. Et représentent l’histoire et le patrimoine reconnu des forêts de feuillus françaises. Les chênes. Centenaires, évidemment. Symboles de force, de patience et d’authenticité. Le bois par excellence, diront les anciens. C’est bien pour ça que la reconstruction de la cathédrale de Notre-Dame de Paris passe par eux. La charpente d’un établissement si prestigieux ne peut en être autrement. Et, en Auvergne, certains en feront partie. Oui, ils sont dix, de la forêt de Randan, à avoir été sélectionnés, parmi les 1.200 choisis dans la France entière. Suite à un appel aux dons, les propriétaires forestiers ont répondu d’une même voix.
« Allez-y, prenez le plus beau de la parcelle »« L’ancien président des experts forestiers a milité pour que cette charpente se fasse en chêne, comme l’originale, face aux lobbys du béton et de l’acier », explique Pierre Fargevieille, expert forestier de l’Allier, qui a en gestion des parcelles privées en forêt de Randan, notamment. « Une fois le projet de charpente en bois validé, j’ai envoyé un e-mail aux propriétaires avec qui je travaille, en leur expliquant le projet d’appel aux dons pour la charpente de Notre-Dame. Et j’étais le référent pour la région Auvergne-Rhône-Alpes. Il nous fallait entre 25 et 30 chênes, on en a eu 38 et j’en ai refusé une cinquantaine. J’ai été impressionné par les réponses, tout le monde a répondu présent », se félicite Pierre qui, lui aussi, aura fait don de son temps pendant trois semaines pour aller choisir les chênes proposés.
« L’engouement a été vraiment important, et je pense que la notoriété du bâtiment a eu un réel coup de fouet. Les propriétaires forestiers sont plutôt fiers d’avoir participé à la nouvelle charpente d’un bâtiment historique qui fait la notoriété de la France. Même des petits propriétaires de quatre à cinq hectares m’ont dit : “Allez-y, prenez le plus beau de la parcelle”. »
Les chênes doivent être coupés en lune descendanteConcrètement, comment cela a fonctionné?? Le propriétaire donne donc un chêne et paye son exploitation. « Moi, j’ai vérifié avant tout s’il était bon », prévient Pierre. Les architectes des bâtiments de France avaient édité un cahier des charges assez précis avec des hauteurs de tronc allant de 12 à 22 m, avec des diamètres à partir de 55 cm.
« Il fallait aussi qu’il soit droit, sans nœud pourri, sans gélivures [éclatement du tronc causé par le gel, ndlr], complète l’expert forestier. Si tout est bon, on remplit alors la base de données, et après notre validation, vient celle de l’architecte des bâtiments de France. »
Ensuite, la coupe a dû se faire en lune descendante. Les scieurs l’exigent, le bois sèche alors plus sainement et plus rapidement, et est moins sujet aux attaques des insectes xylophages.
Mais alors, qu’est-ce qui fait que la forêt de Randan a eu le potentiel pour fournir ces joyaux?? « Il y a un très bon sol forestier, continue Pierre. Il ne faut pas oublier que c’est une ancienne forêt royale de 3.500 hectares. C’est l’une des plus belles forêts privées de France. Certains des chênes étaient demandés pour la flèche, il fallait alors des arbres de plus de 20 mètres, et c’est plutôt compliqué dans une forêt privée, où les propriétaires veulent des revenus réguliers. C’est plus facile à Tronçais ou Rambouillet où l’Office national des forêts coupe des arbres qui ont 200 ans. Ici, on a coupé des arbres de 20 mètres qui avaient 130 ans. »
Une nouvelle commande devrait être passée entre les mois de novembre et décembre. « Pour les exploiter à peu près après Noël, termine Pierre Fargevieille. Mais on ne sait que ça, nous n’avons pas encore connaissance des volumes. »
Aujourd’hui, hormis la charpente, le chêne français est majoritairement destiné à la fabrication de parquet et surtout au monde viticole, pour la fabrication de foudres et de tonneaux.
Alexandre Chazeau
Un renouvellement naturel. Les arbres qui ont été coupés pour la charpente de Notre-Dame, en forêt de Randan, sont issus du renouvellement naturel des plantations. « On travaille la régénération naturelle », présente Pierre Fargevieille, expert forestier. « Les bois moyens ont entre 80 et 120 ans, ils sèment, le gland tombe, se transforme en semis, et on procède au nettoyage de régénération. Car il y a peut-être 200 plants à un même endroit, tout petit. Après, c’est la sélection naturelle qui se met en place, on garde celui qui pousse le plus vite. On a quand même besoin de densité autour pour que le bois reste droit et sans nœuds, sans trop de branches. On est là pour que la forêt reste productive. »