Entre pénurie de composants électroniques et absence de visibilité pour cause de pandémie, le marché automobile français en panne
Moins 32,81 % par rapport à juillet 2019 et même moins 35,35 % par rapport à l’an passé, le marché automobile tricolore est à l’image de la météo estivale. Bien maussade.
Economiste à BNP Paribas, Flavien Neuvy, spécialiste du secteur à l’échelle mondiale, décrypte les mécanismes du trou d’air traversé par le marché automobile français.
Avec une baisse de plus de 30 % en juillet, les ventes de voitures font plus que patiner dans l’Hexagone. Comment l’expliquer??
Nous sommes effectivement sur un niveau de ventes historiquement faible par rapport aux dernières années et même aux dernières décennies. Il y a deux raisons principales à cette situation. En premier lieu, la pénurie de composants électroniques qui rallonge les délais de production et perturbe l’ensemble de la chaîne, diminuant d’autant le nombre de voitures disponibles sur le marché.Quelle est la deuxième raison??
Le contexte sanitaire, avec la menace du variant Delta, entretient un climat d’incertitude qui incite les Français à la prudence. Le prix moyen d’une voiture tourne aujourd’hui autour de 25.000 euros. C’est donc un achat réfléchi qui nécessite une certaine visibilité. Celle-ci fait, pour l’instant, défaut et incite les consommateurs à garder leur épargne de côté et à privilégier des dépenses plaisir comme les restaurants et les vacances
Flavien Neuvy souligne que le choc de la pandémie est de moindre ampleur que celui de la crise financière de 2008-2009.Dans ce contexte morose, le groupe Stellantis, né de la fusion de Fiat et de Peugeot-Citroën, a annoncé des résultats records avec 6 milliards de bénéfices nets au premier semestre. N’est-ce pas paradoxal??
C’est d’abord le résultat des synergies entre Fiat et PSA. Ensuite, ces résultats confortent la stratégie lancée il y a plusieurs années par Carlos Tavarès qui a tourné le dos à la recherche de volumes au profit de la marge opérationnelle. Il ne s’agit plus de vendre des voitures pour vendre des voitures mais de dégager une marge confortable sur chaque exemplaire commercialisé. Renault est d’ailleurs en train d’enclencher la même dynamique sous l’impulsion de Luca de Meo et de Jean-Dominique Sénart.
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Le choc de la pandémie de Covid-19 est-il comparable à celui de la crise financière de 2008??
Le contexte n’est pas du tout le même. Au moment de la crise des subprimes, les constructeurs avaient des stocks énormes à écouler. Aujourd’hui, ils n’ont pas assez de voitures à proposer. Au niveau mondial, le marché était tombé à 62 millions de véhicules vendus en 2009 contre 78 millions en 2020. Le choc a été moins violent.
Quand peut-on espérer retrouver les niveaux de vente d’avant pandémie??
Deux problèmes demeurent. La pénurie de composants et l’incertitude que fait planer le variant Delta sur la reprise économique. Sur les composants, si l’on écoute les équipementiers, les choses ne devraient pas rentrer dans l’ordre avant l’an prochain. Ensuite, dans l’acte d’achat d’une voiture, tout dépendra de l’éclaircissement durable de l’horizon sanitaire.
Propos recueillis par Dominique Diogon