En immersion sur le volcan du Cantal : au buron de la Tuillière, Stéphane Lecomte, le loup, le chat et le cerf
Le Cantal, ses paysages, sa carte postale… Oubliez-ça : on n’a rien vu. La première de nos sept étapes autour du GR 400, entre Lafon, à Thiézac, et La Molède, à Albepierre-Bredons, en passant par le Plomb du Cantal, s’est déroulée dans le brouillard le plus complet. Par contre, on a rencontre Stéphane Lecomte, au buron de la Tuillière, pressque au départ : on vous le présente.
À la lumière tremblotante des bougies, le visage de Stéphane Lecomte se découvre rieur dans le buron de la Tuillière. Là depuis deux ans, il accueille les randonneurs le long du GR 400 avec de la truffade à midi. Sans chercher la foule :
« J’ai adoré le premier confinement, se marre-t-il. Les deux premiers mois, c’était le bonheur ! »
N’allez pas penser qu’il n’aime pas la compagnie des hommes. C'est juste qu'il apprécie mieux les contrastes, peut se couper du monde en se privant de musique pour quelques jours blancs hivernaux, avant d'accueillir la clientèle à l’été. « J’ai trouvé le bon équilibre », explique-t-il. Il a coupé la radio, utilise les vacanciers comme média unique.
Avant, ce Vosgien d’origine jonglait avec le téléphone, cinq voyages par an, à faire venir des meubles d’Asie. Aujourd’hui, c’est le dénuement, quelques meubles chinés autour du poêle et la compagnie des poules.
« On dit que les gens de la montagne sont un peu ours. On fait partie du paysage. Quand tu es seul là un hiver, tu t’ensauvages. Au retour des clients, il faut réarrondir les angles… »
Quand le moral baisse, il relativise en se rappelant les voyages en Inde. Comme cet hiver, avec 1,70 mètre de neige. Parfois, il a flanché, pensé à l'Asie. Pas souvent : le contemplatif a « adoré, il y avait une ambiance minérale ». Il conte l’histoire des deux traces qu’il soupçonne être de loup, menant à un endroit où la neige était retournée, avec des taches de sang, suspecte une danse entre le prédateur et un cerf, s’émerveillant devant cette possibilité qu’il a de voir le sauvage sur le pas de sa porte.Tire-bouchon. Il réagit aussi au nom de "gros loulou".
Devant le foyer, moins sauvage, un matou un peu édenté roupille : « Je ne sais pas quel âge il a, il a survécu ici trois ans tout seul après le départ de la précédente propriétaire. Je ne connais pas son nom, je l’ai appelé Tire-bouchon. Mais j’ai énormément de respect pour lui. » Le chat se lève, demande une caresse puis file chasser une souris. Et on se dit que les deux solitaires appréciant le contact se sont, finalement, bien trouvés…
Pierre Chambaud