Le commissaire Jonathan Rey quitte Aurillac (Cantal) : son passage au commissariat en quatre dates
Jonathan Rey, directeur départemental de la sécurité publique, a quitté le Cantal pour la Meuse et une juridiction plus grande. À la tête du commissariat, il a eu à gérer une période chargée et charnière pour Aurillac.
On se souvient de sa silhouette, samedi après samedi sur le rond-point de l’Europe occupé deux mois par les Gilets jaunes, de son visage noirci après avoir participé à l’évacuation d’un immeuble lors des incendies de parking, ou de sa présence dans la mêlée face aux agriculteurs, plus récemment, devant la préfecture.
Arrivé en mai 2018, le commissaire Jonathan Rey pensait alors que la gestion du festival Eclat serait son plus gros dossier. Raté. Il lui faudra 30 minutes au téléphone pour résumer son passage, presque sans évoquer le Théâtre de rue : « Mes trois ans sont passés à une vitesse phénoménale, résume-t-il. J’ai l’impression d’avoir fait plus de trois ans par rapport à l’intensité de l’activité, et en même temps ils sont passés très vite ».
Aurillac est une ville où il fait bon vivre, où la délinquance est maîtrisée, mais avec le calendrier national et la conjonction avec des événements locaux, j’ai eu trois ans que je considère comme soutenus…
Mai 2018 - avril 2019Le trafic de la rue de la Coste, supermarché à ciel ouvert, canapé dans la rue à 200 mètres du bureau du maire, avec un chiffre d’affaires estimé à 10.000 € par jour, a occupé l’année 2018. « Les gens voyaient ça et ne pensaient pas que la police d’Aurillac pourrait sortir ce dossier, se rappelle le commissaire. La police d’Aurillac a réussi. »
C’est une fierté immense, pas à titre personnel mais pour les hommes et les femmes que j’ai commandé, c’est un vrai boulot d’équipe et une vraie victoire.
Pendant un an, la ville vibre avec plusieurs interpellations, et les incendies de parkings : en juillet 2018, deux feux se déclarent dans des parkings souterrains d’Aurillac, et deux hommes, cadres du trafic de stupéfiants, sont interpellés et mis en examen – ils n’ont pas encore été jugés. « Les stups, c’était de l’ordre public : comme on harcelait le point de deal, ils nous envoyaient des représailles. »
Trois ans après, les trafiquants de la rue de la Coste ont été jugés et condamnés à des peines de prison ferme allant jusqu’à huit ans. « Au moment où je pars, la situation est régulée - pas contrôlée. Comme dans toute ville, il y a de l’offre et de la vente, mais il n’y a plus de point de deal visible en mode supermarché.
On arrive à mettre les trafiquants de drogue en difficulté. On n’a pas gagné la bataille du stup, ce serait illusoire de le dire, mais on a gagné la guerre de l’ordre publique.
Novembre 2018À Aurillac, après un premier défilé à 1.500 personnes, les ronds-points de l’Europe et de Tricot ont un temps été occupés par les Gilets jaunes.
En images : une vague jaune déferle sur Aurillac
« Il faut se rappeler qu’au Puy-en-Velay, le département d’à-côté, la préfecture a brûlé. Cela aurait pu être tendu et finalement on s’en est bien sorti. C’était long, on y a passé beaucoup de samedis, mais on a jamais tiré une seule grenade et on a toujours réussi à garder un contact avec les Gilets jaunes, et ils ne sont jamais allés au-delà de la ligne rouge, avec une forme de dialogue relatif. »
Août 2018 et 2019Il y en aura eu deux éditions du festival du Théâtre de rue, en trois ans. C’était l’inquiétude, après une édition 2016 marquée par des échauffourées avec les festivaliers. Là, « Je n’ai pas vécu la guerre ! » Avec cette incompréhension qui se répète, commissaire après commissaire :
« Pour moi, le festival a une dimension culturelle, mais aussi de consommation de stupéfiants. Je n’avais jamais vu ça sur un festival de ce type, avec des difficultés sur le camping »
« C’est une difficulté permanente pour la police car on est toujours sur la corde raide, ça demande beaucoup de patience et de discernement, on frise systématiquement l’incident. »
Depuis 2018Sur la période, il y a l’hommage, déjà : « C’était une vraie aventure humaine les policiers aurillacois sont des gens de valeurs, et il y en a pas mal dont je n’oublierais ni le nom, ni le visage, ni les actes. »
Côté enquête, « on a une brigade de sûreté urbaine que peu de commissariats en France ont, capable de sortir des affaires qui relèveraient d’un autre niveau. » Deux hommes sont désormais dédiés aux stupéfiants, trois enquêteurs aux violences, notamment conjugales. Puis il y a le flux, le « petit judiciaire », qui est « massif à Aurillac, comme dans toute la France. C’est une question qui dépasse la police, qui touche à la Justice. Ceux qui traitent ces affaires sont engorgés de dossiers, il y a un travail à faire ».
Les autres dates. En maintien de l'ordre, Jonathan Rey cite la manifestation des agriculteurs devant la préfecture le 24 février 2021, « une grosse séquence. » Autre date à retenir, le premier confinement : « Je me revois encore faire la tournée des établissements pour leur dire de fermer à minuit avec des gens dans l'incompréhension. Le confinement a été globalement respecté à Aurillac. »
Pour la tenue, une réforme a été faite avec des cycles de douze heures, qui permettent la présence permanente de deux patrouilles, au minimum, à Aurillac, et la création d’un Groupe de sécurité de proximité (GSP) « Ils sont capables de faire une chasse à l’homme en mode antiterroriste un 24 décembre (en 2018, un homme en tue un autre d’un coup de fusil et s’échappe. Il ne sera rattrapé que plusieurs heures plus tard, près de Maurs), de faire du maintien de l’ordre face aux agriculteurs, ou de se mettre en civil pour interpeller sur un point de deal, sans jamais refuser de revenir un dimanche… »
Pierre Chambaud