Selon un dernier rapport, « le glyphosate ne présente aucun risque sanitaire ». Mais qu'en est-il vraiment ?
1. Rappel des faits
En 2017, l'Union Européenne avait relancé l'utilisation du glyphosate pour les cinq prochaines années. Quatre États rapporteurs (la France, la Suède, la Hongrie et les Pays-Bas) ont rendu une première version de leur expertise sur cet herbicide à l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA). Objectif : déterminer ou non le prolongement de son utilisation d'ici décembre 2022.
Ce rapport indique que cet herbicide ne serait pas cancérogène, mutagène ou reprotoxique et ne remplirait pas les critères requis pour être considéré comme perturbateur endocrinien. Or, le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) a classé le glyphosate comme étant probablement cancérigène. Du côté d'Europe Ecologie-les Verts, en la parole de Julien Bayou, cette molécule aurait des répercussions néfastes sur le milieu aquatique, documents à l'appui.
— RTL France (@RTLFrance) June 17, 2021
Afin de tenter d'apporter une réponse quant aux risques sanitaires et environnementaux du glyphosate, nous avons interrogé Ghislaine Bouvier, maîtresse de conférence, enseignante-chercheure à l'université de Bordeaux, spécialiste en santé publique et environnement. Nous nous sommes également appuyés sur des documents scientifiques ou issus d'agences institutionnelles.
2. Ce rapport affirme qu’il n’y a pas de risque sanitaire
Sur la santé humaine
« Les connaissances scientifiques sont là pour dire qu’il y a un risque de cancer augmenté quand on utilise du glyphosate. Le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC), qui n’est absolument pas un organisme militant, mais une agence rattachée à l’OMS, a réalisé une synthèse de toute la littérature scientifique à ce sujet, qui doit constituer plus de 200 textes. Il a également réuni un certain nombre d’experts du monde entier totalement indépendants. Le CIRC l’a alors classifié comme probablement cancérigène et il ne faut pas douter de cette classification, même si de grandes agences institutionnelles le réfutent », insiste Ghislaine Bouvier.
Sur la flore
Pour cette enseignante-chercheure, il est clair que le glyphosate a des répercussions sur la flore et notamment en termes de biodiversité : « Il s’agit d’un herbicide systémique, c'est-à-dire non sélectif. Il va ainsi détruire de très nombreuses espèces et c’est néfaste logiquement pour la biodiversité et l'écologie. »
Sur la faune
Le milieu aquatiqueJulien Bayou affirme qu’il y a des documents prouvant que le glyphosate a des répercussions sur le milieu aquatique. Effectivement, cette molécule est classée H411 par la réglementation européenne, c'est-à-dire qu'elle est toxique pour les organismes aquatiques et entraîne des effets néfastes à long terme.
Du côté de l’ANSES, « des analyses réalisées en 2017 montrent la présence fréquente du glyphosate et de l'AMPA (ndlr : produit de dégradation du glyphosate) dans les eaux de surface telles que les rivières et les lacs (50 % des prélèvements pour le glyphosate et 74 % pour l'AMPA), induisant une exposition des organismes aquatiques ». Elle précise cependant que les concentrations sont généralement inférieures aux valeurs toxicologiques de référence en vigueur. Un seul dépassement a été observé en onze ans de surveillance.
Les abeillesSelon une étude menée par des chercheurs du Texas, le microbiote des abeilles, qui sont exposés au glyphosate, serait appauvrie. La raison : l'EPSPS. Il s'agit d'une enzyme spécifique aux plantes. Afin d'agir pour détruire les herbes, le glyphosate va s'attaquer à celle-ci. Or, il se trouve que cette enzyme serait également présente dans certaines bactéries qui constituent la flore intestinale de ces insectes pollinisateurs. Les abeilles seraient ainsi beaucoup plus sensibles aux infections et aux bactéries, et certaines d'entre elles seraient donc amenées à mourir. De ce fait, on peut se poser la question de savoir s'il peut y avoir des répercussions sur le microbiote des êtres humains.
3. Les alternatives au glyphosatePour Ghislaine Bouvier, « il y a effectivement énormément de candidats au remplacement, mais certains sont encore pires pour l'environnement. Il y a notamment le recours au labour qui serait une véritable catastrophe. Il va donc falloir chercher des changements agricoles profonds et accompagner les agricultures pour qui, l'ensemble des débats autour du glyphosate, sont très violents. »
Pour en savoir plus sur les alternatives au glyphosate : Offre d’emploi : recherche alternatives au glyphosate
4. Ce que l'on peut en conclure
Comme l’indique Ghislaine Bouvier, la réponse n'est peut pas être totalement tranchée et doit prendre en compte l'exposition chronique du glyphosate et l'ensemble des substances nocives pour l'environnement.
« Le CIRC affirme que le glyphosate est probablement cancérigène et c’est le cas, mais comme d’autres molécules, précise la maîtresse de conférence. Ce qu’il faut expliquer, c’est que cet herbicide est utilisé très massivement et chaque citoyen y est exposé quotidiennement. Ainsi, ce sont les effets répétés sur le long terme qui ont de l'importance. C'est l'exposition chronique, même à faible dose. On appelle cela la toxicité chronique. À cela, il faut aussi ajouter, toutes les substances auxquelles nous sommes confrontés dans notre environnement à l’intérieur ou à l’extérieur, tous les jours. Il y a donc toutes les molécules de pesticides, les particules fines, les substances chimiques, ce que rejettent les produits ménagers, les solvants… Tout cela génère un cocktail qui pose forcément des inquiétudes sur la santé humaine, mais également sur l'avenir de la faune et de la flore ».
À savoir : le rapport remis par les quatre États européens sera accessible au public en septembre.
« Le glyphosate, c'est comme des cartouches. Vous pouvez les manipuler, les mettre dans votre poche, il ne se passera rien. Il vous faut un fusil pour qu'elles touchent leur cible. Dans les désherbants comme le Round Up, il y a les cartouches, le glyphosate, et des adjuvants qui jouent le rôle de fusil. Tant que l'Efsa fera référence au glyphosate, elle continuera à dire qu'il est inoffensif, et ce n'est pas vraiment faux : la probabilité qu'il induise des cancers est faible. Le problème c'est que c'est le Round Up qui est épandu dans les champs, les goutelettes que nous respirons, contiennent les adjuvants et ont donc une probabilité beaucoup plus forte d'engendrer des cancers ».
Stéphanie Merzet Follow @Steph_Merzet
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