À Sully-sur-Loire, les créations de Jérémy Delignières ne manquent pas de selle !
Carrossier à Sully-sur-Loire (Loiret), Jérémy Delignières conçoit et fabrique des vélos originaux. Sa quatrième création, une bicyclette à l’effigie de la 2 CV, remporte, depuis sa "sortie" en avril, tous les suffrages sur les réseaux sociaux. Entouré de ses collègues, il raconte la naissance de ses cycles d’exception.
Sa taille n’a d’égale que son talent. Avec son mètre quatre-vingt-dix-sept et ses 135 kilos, Jérémy Delignières est, comme il s’en amuse lui-même, « un beau bébé ». Un beau bébé de taille XXL. Fan de vélo depuis l’enfance, le gaillard n’en trouvait pourtant jamais à sa taille. "À chaque fois que j’en achetais un, il n’était jamais adapté à mon physique...", sourit cet amateur de BMX. "Je finissais par en trouver, mais c’était toujours une galère car il fallait que je l’adapte. C’est comme les fringues ou les chaussures, c’est compliqué", remarque le costaud, dont la pointure dépasse le 47.
Il y a près de trois ans, Jérémy décide donc de prendre les choses en main et de créer ses propres bécanes. Car ses réalisations ne sont pas que de simples vélos : sortis tout droit de son imagination, entièrement faits à la main, avec des pièces commandées dans le monde entier ou à partir de matériaux de récupération, ses biclous sont de véritables œuvres d’art. Au point que son petit dernier, le vélo 2CV, a, en quelques jours après la publication des photos sur Facebook, fait le tour du monde et atteint près de 80.000 vues !
Depuis ce soir du 16 avril, la machine s’est emballée : des Italiens tentent de copier le spécimen, des musées, des magazines et des chaînes de télévision l’ont contacté et "on m’appelle d’un peu partout pour me l’acheter ou en fabriquer d’autres. On m’a même proposé jusqu’à 8.000 euros pour ce modèle unique et une société de location de voitures de la célèbre marque française en voulait pour compléter son parc", détaille le trentenaire. Devant un tel engouement, le carrossier a, depuis, déposé le dessin et le concept auprès de l’Institut national de la propriété industrielle (Inpi) et s’apprête à le faire pour sa marque, Madiax Cycles. Le souci avec ce succès, c’est qu’il n’aime pas fabriquer deux fois la même chose. Ce qui lui plaît, c’est innover, créer des pièces uniques...
Les vélos customisés de ce concepteur amateur remportent beaucoup de succès dans les manifestations locales comme sur les réseaux sociaux.
L’idée de ce modèle au double chevron lui est venue dans l’atelier de la carrosserie Plotton, à Sully-sur-Loire (Loiret), petite ville tranquille des bords de Loire. "Mon collègue Victor avait entrepris de restaurer une vieille 2CV et avait enlevé les vieilles ailes pour en mettre des neuves. Posées au sol, elles m’ont fait penser aux Harley sport bike, les motos américaines", raconte le tôlier automobile.
Une vraie allure de "deudeuche"À partir de ces vieilles ailes, Jérémy a construit un cadre spécifique pour le vélo qu’il imaginait et s’est mis à la recherche d’accessoires de 2 CV. Car outre l’allure "deudeuche" qu’il a donnée à son vélo, Jérémy a multiplié les pièces d’origine, quitte à en détourner quelques-unes, pour customiser sa création. Ainsi, une pédale d’accélérateur fait ici office de béquille, un bouchon de réservoir d’essence cache une clé à mollette, les monogrammes 2 CV sont arborés sur la « carrosserie », le sélecteur de vitesses est un levier de voiture d’origine, l’éclairage est assuré par un authentique phare de 2 CV ; idem pour le rétroviseur, le catadioptre sur l’enjoliveur, même la valve du pneu arbore le logo… "J’ai même créé un réservoir en bois en forme de goutte d’eau pour pouvoir y ranger quelques outils", fait remarquer le jovial Jérémy, qui boude les gadgets. "Tout ce que j’installe doit servir?!" Enfin, c’est son collègue Chocapic, spécialiste de peinture, qui a finalisé l’ensemble d’un élégant vert jade, une couleur officielle de Citroën bien sûr. Et le résultat est tout simplement magnifique?!
Ailes, bouchon, phare… Le vélo 2 CV fait référence à la marque aux chevrons dans les moindres détails.
Car le carrossier a, selon l’expression consacrée, de l’or au bout des doigts. Depuis tout petit, il crée des meubles et des objets en tout genre à partir de bois, de métal, de polystyrène… Rien n’échappe à son habileté : canapé en palettes, caisse à outils customisée rock pour sa fille, lampe amortisseur, sculpture, table en forme de guitare, piste de dés géante, table basse, karting à trois roues… Sa collection est spectaculaire.
Le vélo 2 CV est sa quatrième créationPour autant, Jérémy garde la tête froide et compte bien rester dans l’entreprise familiale qui l’emploie depuis trois ans. "Je veux continuer à créer des vélos pour les rassemblements..." Car c’est bien la curiosité et l’approbation du public qui l’a incité à renouveler l’expérience. Le vélo 2 CV est en effet sa quatrième création. Le tout premier, conçu fin 2018, est un vélo noir et bois inspiré aussi des motos Harley Davidson. "J’ai commencé par le dessiner car je l’avais bien en tête et savais dès le départ à quoi il ressemblerait. Car quitte à faire quelque chose, autant fabriquer un truc original, atypique, qui sorte du lot…" Six mois après, à raison de quelques pauses du midi et week-ends à travailler à son invention, Jérémy sortait son premier vélo. "Je suis allé me balader à Sully-sur-Loire et j’ai tout de suite vu qu’il plaisait. Est-ce sa forme allongée, à ras du sol??", s’interroge l’homme de l’art. "En tout cas, on me prenait beaucoup en photo… Du coup, je me suis dit que j’allais en faire un pour mon épouse, Élodie, dans une autre dimension…"
Car, pour l’anecdote, Élodie est, avec son mètre cinquante-deux, loin du gabarit de son mari?! "C’est moi qui ai imaginé ce délire du vélo hot dog. J’ai longtemps cherché le parasol Coca-Cola© dans la bonne taille, mais il était introuvable?!". Finalement, après un an de recherches, Jérémy le dégote à La Rochelle. "J’ai fabriqué ce triporteur, qui fait penser à un vélo de livreur, à partir d’une veille remorque et Élodie a réalisé les peintures du chien hot dog dessus…"
Lors de leur première sortie, à un rassemblement de vieilles voitures à Saint-Denis-de-L’Hôtel, en septembre 2019, "ça a été la folie, alors qu’il n’était même pas fini. Avec nos deux chiennes installées à l’avant, les gens ont adoré. Au point qu’ils ont donné toute la journée des saucisses et des merguez à Sélénia et à Sweet et que nous n’avons même pas eu le temps de manger?!", se souvient-t-il.
Quoi de plus logique ? Les chiens de la carrosserie, où il travaille depuis trois ans, adorent profiter d’un petit tour dans le vélo hot dog de Jérémy.
"À partir du moment où ce vélo rouge est sorti, le précédent devenait invisible. Mais c’est le but : qu’un nouveau vélo déclasse l’ancien?!", signale Jérémy, qui arbore une chaîne de vélo en guise de ras-du-cou. L’avant-dernier né est "un vélo daily", remarque-t-il encore. Un ride bike rouillé, à ras du sol, avec double pédalier, dans le style Mad Max. Vieilli à l’eau oxygénée et au sel, une lame de scie pour tenir le double-pédalier et des poignées de freins inversées comme sur les Solex©, "c’est mon préféré", sourit Jérémy. Les prochains rendront hommage au Joker et à Batman… Pas de doute, Jérémy en garde sous la pédale.
Plus d’infos sur la page Facebook Madiax Cycles. Les vélos customisés sont en exposition à la carrosserie Plotton, avenue du Chemin de fer, à Sully-sur-Loire.
Katia Beaupetit