La cellule des solitudes de Jean Zay au sein de l'ancienne maison d'arrêt de Riom
![La cellule des solitudes de Jean Zay au sein de l'ancienne maison d'arrêt de Riom](http://www.lamontagne.fr/photoSRC/VVZTJ19dUTgIDAVOBQwd/isite-de-l-ancienne-maison-d-arret-de-riom-avec-notamment-la_5393147.jpeg)
Les lieux conservent-ils la mémoire des faits dont ils ont été un jour le théâtre ? Nouvelle observation avec la cellule de l’ancienne prison de Riom dans laquelle Jean Zay fut enfermé plus de trois ans pendant le régime de Vichy.
La porte de l’ancienne maison d’arrêt de Riom s’ouvre. Régis Delubac, architecte des Bâtiments de France, s’engouffre dans l’allée centrale et trouve son chemin sans hésiter. « C’est ici qu’était la cellule de Jean Zay », dit-il enfin. Du fait de la configuration même du bâtiment, il est très facile de perdre ses repères et de prendre une galerie pour une autre. Des doutes subsistent, par exemple, sur les cellules qu’occupèrent les parlementaires du procès de Riom. Pour celle de Jean Zay, il ne peut y avoir d’erreur. La peinture des murs, blanche ou beige, a connu des jours meilleurs. La pièce est vaste, beaucoup plus grande qu’une cellule normale.
Condamné par la France de Pétain, l’ancien ministre de l’Education nationale y arrive en pleine nuit, le 7 janvier 1941 (*). Il prend note de ses premières impressions : « La cellule où l’on me conduit est une grande pièce nue, aux murs blanchis à la chaux, et dans laquelle semble perdus un lit de détenu à barreau de fer, une table de bois blanc, une chaise et un poêle. » Il est incarcéré sous le régime de droit commun puis, très rapidement, sous le régime plus favorable - quand celui-ci était respecté - de prisonnier politique.
Plaque commémorant l'incarcération de Jean Zay à la maison d'arrêt de Riom
Le travail pour occuper son esprit et ses journéesIl peut alors accueillir dans sa cellule sa femme Madeleine et ses deux fillettes, Catherine et Hélène. Il reçoit également la presse et de très nombreux livres qu’il dévore et commente.
Pour occuper ses journées autant que son esprit, le ministre travaille. Il écrit. Énormément. Il rédige ses carnets, « sa tapisserie », pour reprendre son expression, faisant une métaphore avec celle que Pénélope tissa sans fin en attendant le retour d’Ulysse. Mais il écrit aussi deux romans, dont l’un est publié sous pseudonyme, des centaines de lettres, des liasses de courriers administratifs?; il remplit des cahiers d’exercices de langue (anglais et allemand) et compose même des grilles de mots croisés?!
La cour transformée en salle bétonnéeS’il est possible d’imaginer le ministre prisonnier entre ces quatre murs, l’espace qui fut la cour réserve une immense déception. Pour Jean Zay, cet accès à un extérieur était d’une importance presque vitale. Au fil des pages de Souvenirs et solitude ou de ses Ecrits de prison 1940-1944, il détaille à de multiples reprises les plaisirs qu’il en tire : ici d’un rayon de soleil, là de la couleur d’une fleur ou de ses activités potagères. Il plante même deux saules en se demandant jusqu’où il pourra les voir grandir.
La Milice répondit à sa manière à cette interrogation : au fond d’un bois de Cusset, le 20 juin 1944, elle assassina l’ancien ministre.
Couverte à grands renforts de bétonEn découvrant cet espace qui fut une cour, les visiteurs d’aujourd’hui peuvent ravaler tout sentiment bucolique. Elle a été couverte à grand renfort de béton, vraisemblablement dans les années 1950 ou 1960. Aujourd’hui, c’est une salle sans charme. Le toit est plat, le sol est carrelé. Il est ici évident que les besoins fonctionnels ont primé sur toute considération historique ou patrimoniale.
A l’instar du reste du bâtiment, cette cellule et cette cour n’ont pas bougé d’un iota depuis la fermeture de la maison d’arrêt, il y a cinq ans, donnant l’impression que le temps s’y est arrêté. Pour Régis Delubac, cet établissement raconte un chapitre important de l’histoire de France. Une procédure de protection est d’ailleurs en cours.
(*) Jean Zay avait été condamné pour « désertion en présence de l’ennemi » par le tribunal militaire de Clermont-Ferrand le 4 octobre 1940 après un simulacre de procès. Le 5 juillet 1945, la cour d’appel de Riom annula cette condamnation et réhabilita l’ancien ministre.
La lourde porte ferme la cellule qu'occupait l'ancien ministre de l'Education nationale.
Jean-Baptiste Ledys