La nature en question dans "Comme des bêtes", de Violaine Bérot
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La nature, qui nous entoure comme celle des hommes, est au coeur du nouveau roman, sensible et dérangeant, de Violaine Bérot : Comme des bêtes (Buchet Chastel).
C'est un petit livre, très court, rapide, sans fioritures, qui se lit d'une traite, mais qui nous confronte à de grandes questions, existentielles, fondamentales, profondément humaines et sensibles.
Comme des bêtes, de Violaine Bérot (Buchet Chastel) est un face-à-face continu, tendu ; chaque chapitre ouvre une nouvelle confrontation, agacée, inquiète, surprise, choquée, malheureuse ou presque sans voix. Celle d'un gendarme - on le comprend peu à peu - avec différents habitants d'un petit village des Pyrénées.
Un miroir tendu à ce qui nous effraieTous doivent affronter l'incompréhensible, l'indicible parfois : la découverte par un touriste randonneur d'une petite fille nue. Qui est-elle, d'où vient-elle, comment vit-elle ainsi, seule, en pleine nature ? Est-elle d'ailleurs si seule, cette gamine dont personne ne semble avoir connaissance ?
Les soupçons d'emblée se portent sur l'Ours - l'homme que tout le monde surnomme ainsi sans vraiment le connaître. Le fils de Mariette, une femme forte et indépendante qui a décidé, il y a des années déjà, de vivre en retrait, plus haut dans la montagne ; un garçon qui n'a jamais prononcé un mot, à la puissance physique étonnante, effrayé par les hommes, mais si sensible avec les bêtes qu'il les guérit toutes.
La différence, suspecte idéaleN'est-il pas le suspect parfait, le coupable idéal de cette humanité retranchée à la fillette perdue ? Lui qui vit, depuis toujours, en marge de la société, qui la fuit et la désespère. Lui qui pourtant comprend le monde mieux que personne et sait y vivre en harmonie, sous l'œil aimant de sa mère et de quelques autres, moins arc-boutés que les autres sur les apparences et les convenances.
"Je te verrai dans mon rêve", de Julie Bonnie
Avec chacun de ses témoins, le gendarme questionne et s'interroge, sonde la différence, l'incompréhension qu'elle suscite, la panique ou la colère qu'elle provoque ; il cherche à comprendre cette vie en retrait, ses causes, ses effets, la peur qu'elle engendre, l'indifférence qu'elle crée.
Une révélation et un drameIl entend aussi, sans oser sans approcher tout à fait, les contes qui forgent un inconscient collectif, la légende de ces fées qui, jadis, raconte-t-on, cachaient les bébés qu'elles volaient - ou que les femmes sans désir maternel leur confiaient. Leurs voix viennent en contre-point de chacun des interrogatoires, apportant une touche magique et poétique à ces échanges sous tension.
Jusqu'à la révélation finale, comme dans toute enquête policière rondement menée, jusqu'au drame qui vient clore, dans un éclair noir, un dernier élan de panique, une ultime incompréhension, une vie et son récit tendu vers nous comme un miroir.
Un récit court, mais fort, dérangeant parfois, mais qui laisse entrevoir une harmonie possible entre l'homme et la nature. Entre les hommes même, parfois.
Blandine Hutin-Mercier
Comme des bêtes, de Violaine Bérot (Buchet Chastel) ; 160 pages, 14 euros.