La marque historique de figurines Historex a trouvé refuge à Feytiat en Haute-Vienne
Il était dit qu’une aussi prestigieuse maison ne pouvait pas mourir comme ça, après une belle histoire de soixante-dix ans. L’entreprise de figurines historiques, surtout napoléoniennes, Historex, a été reprise par un petit groupe de passionnés limousins le 1er janvier 2020, alors que son précédent président, basé dans le Loir-et-Cher, cherchait un repreneur la retraite venue.
Mais reprenons le fil de cette incroyable aventure d’Historex.
Tout démarre en 1948 à Paris, avec un atelier de gravure dirigé par un certain René Gillet. En 1955, l’entreprise prit le nom d’Aéros et se spécialisa dans les maquettes d’avion. Mais le marché est déjà très concurrentiel et Aéros souffre. Qu’importe, René Gillet a l’idée de fabriquer des figurines militaires. La figurine elle-même n’est évidemment pas nouvelle, puisqu’on en trouve à la préhistoire. Un marché qui trouve un débouché… dans les produits alimentaires. En effet, certaines marques comme Mokarex (café) accompagnaient leurs paquets de figurines. Nous sommes dans les années 60.
Le tournant LeliepvreC’est à cette époque que René Gillet fait la connaissance d’Eugène Leliepvre, peintre officiel de l’Armée, figuriniste chevronné. Le courant passe, et le peintre est chargé de développer une nouvelle collection de figurines, de grande qualité, en plastique. Fini le plomb, qui s’oxyde, alors que le plastique permet de reproduire l’empreinte exacte du travail effectué auparavant dans un moule d’acier et se peint facilement. Historex est née. Mais le succès n’est pas immédiatement au rendez-vous. Le plomb, souvent considéré comme noble, conserve ses adeptes, et les moules d’acier dans lesquels est fondu le plastique sont très coûteux. Qu’importe, René Gillet s’accroche. Il ne se contente plus de fabriquer des figurines toutes faites, il propose des pièces détachées, charge ensuite au figuriniste de monter lui-même son personnage. Bingo ! Petit à petit, Historex fait son trou, séduit de plus en plus d’amateurs, d’autant que le marché des figurines publicitaires s’est, lui, tari.
Dans les années 80, Historex change de mains. Un passionné, Christian Sauvé, rachète l’entreprise et la délocalise chez lui à Verdes, dans le Loir-et-Cher (la commune n’existe plus aujourd’hui, elle a intégré la commune nouvelle de Beauce-la-Romaine avec le statut de commune déléguée le 1er janvier 2016).
Le plastique règne en maîtreLa réputation de l’entreprise est bien établie, elle exporte et n’a plus de concurrence en France. La qualité de ses produits est soulignée par les amateurs et passionnés. Pour autant, Christian Sauvé ne reste pas les deux pieds dans le même sabot et tente la création de pièces en résine, parallèlement au plastique. Il crée pour cela une seconde société. Finalement, après des débuts encourageants, la résine s’essouffle. Le plastique, lui, continue de régner en maître (*), cependant qu’Historex se lance également dans la fabrication de figurines pour les jeux de plateau.
Seulement vient l’heure de la retraite pour Christian Sauvé, qui cherche un successeur, sachant que les quelques collaborateurs de l’entreprise sont eux aussi touchés par la limite d’âge. Quelques candidats se présentent. Parmi eux, la Limougeaude Lydie Queyroi, passionnée de figurines, membre d’un club à Limoges. Celle-ci connaît très bien Christian Sauvé (ils se sont souvent croisés lors de salons et autres expositions) et l’histoire d’Historex. Elle la connaît même tellement bien qu’à 7 ou 8 ans, son père, qui avait créé un magasin de modèles réduits à Limoges, l’avait amenée à Paris visiter l’entreprise. Lydie s’en souvient encore : « J’ai vu des ouvriers issus de la prestigieuse école Boulle sculpter et fabriquer les moules en acier qui servaient à la conception des pièces. Un travail magnifique ».
Finalement, Lydie Queyroi et Christian Sauvé trouvent un terrain d’entente et Historex déménage chez la première nommée, à Feytiat, aux portes de Limoges. La Limougeaude a acheté le nom, le stock, les machines. Elle a installé tout ça dans un atelier à côté de sa maison, et a créé sa société le 1er janvier 2000. « En fait j’ai réalisé un rêve d’enfant ! », s’amuse-t-elle.
BénévolesLa nouvelle société fonctionne… au bénévolat pour l’instant, grâce à une poignée d’amis et au dévouement sans faille de la présidente. « Il est encore trop tôt pour dégager un ou des salaires, nos recettes sont réinvesties dans le matériel », précise Lydie. La réputation d’Historex, elle, est intacte : « J’ai 30 % de clients étrangers, en Europe, Amérique, et même en Éthiopie », sourit la présidente. Des clients qui, désormais, ne peuvent acheter que sur internet via le site : les magasins spécialisés ont quasiment tous disparus.
Historex ne vend plus que les pièces détachées, blanches, à monter et peindre soi-même. Son catalogue (80 % napoléonien, 20 % « 39-45 ») comprend 2.000 sachets de pièces à monter soi-même. De quoi s’amuser.
« Le confinement de 2020 nous a été bénéfique, certains ont découvert ou redécouvert l’art de la figurine », précise Lydie Queyroi. Mais celle-ci sait bien que la moyenne d’âge de sa clientèle est assez élevée. « Notre but est d’amener les jeunes vers la figurine. Il n’y a rien de tel pour ça que les expos, malheureusement elles sont suspendues en raison de la crise ». En attendant, la belle histoire d’Historex continue. Et les fameux moules en acier que Lydie a vus enfant à Paris sont désormais sa propriété, à Feytiat. La boucle est bouclée.
(*) Le plastique est aujourd’hui combattu. « Nous n’en produisons qu’une infime quantité. Mais si on nous l’interdit, on est très mal », note Lydie Queyroi.
Lydie Queyroi a toujours baigné dans le monde de la figurine. Son père a créé en 1967 à Limoges un magasin de modèles réduits, AC Hobby, qui deviendra ensuite Minimodels. À la retraite de ce dernier, sa fille a pris le relais et l’a tenu jusqu’en 2018, moment de sa retraite. C’était une affaire qui marchait très bien, très réputée, qui attirait des clients venus parfois de départements voisins. Quand elle a annoncé qu’elle allait bientôt fermer, faute de repreneur, elle a littéralement été dévalisée.Lydie Queyroi fait partie du Club Jourdan, association de figurinistes très connue dans la région, longtemps abritée dans la maison natale du Maréchal Jourdan à Limoges. Né dans cette ville en 1762, grand militaire, Jean-Baptiste Jourdan a été élevé à la dignité de maréchal d’Empire par Bonaparte en 1804. Mais, en 2019, la municipalité la vend et le club doit déménager. Il trouvera refuge à Feytiat, dans une salle municipale.
Laurent Bonilla
Photos : Thomas Jouhannaud