Appel à la mobilisation à Clermont : « On a une production en pleine hémorragie depuis des années en France »
Le bras de fer continue entre les agriculteurs et l'Etat. A la veille de la mobilisation de ce jeudi 25 mars, à Clermont-Ferrand, le secrétaire général de la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes, David Chauve, revient sur le malaise d'un secteur qui se sent maltraité depuis des années.
Cette nouvelle mobilisation du monde agricole ce jeudi 25 mars, David Chauve pressent qu'elle est appelée à faire « partie des rassemblements historiques ».
Quelque 500 à 600 tracteurs plus au moins 2.000 manifestants devraient converger vers Clermont-Ferrand et la place de Jaude, espère le secrétaire général de la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes, qui revient sur les enjeux de cette journée.
« Un sentiment de ras-le-bol et de non-considération »« Tous veulent exprimer leur sentiment de ras-le-bol, de non-considération ou de promesses qui vont de gouvernement en gouvernement et dont on ne voit plus le bout. Surtout, se pose une question de fond sur la pérennité du métier ! Dans les rangs, on a des jeunes qui veulent avoir des réponses. »
Car aujourd'hui, s'enclenche la dernière ligne droite des discussions autour de la nouvelle Politique agricole commune (PAC). Elles se termineront d'ici 8 à 10 jours.
« On a eu une première proposition du ministère il y a une dizaine de jours. Elle ne nous semble pas la plus équilibrée qui soit », poursuit David Chauve.Un cadrage définitif de l’architecture européenne de la PAC est attendu ce vendredi 26 mars, avant que ne suive le projet de stratégie nationale que doivent construire les états membres, avant de le proposer à Bruxelles.
Une refonte des aides qui ne passe pasPour le moment, « on a une refonte totale du dispositif de soutien aux bovins, qu’ils soient laitiers ou allaitants, et globalement quelque chose de très défavorable au secteur vaches allaitantes, un secteur déjà très fragile en raison de marchés compliqués », peste le secrétaire général.
Et lui s'interroge sur la pérennité de ce secteur : « Cela pose la question des volontés politiques à garder de la production, notamment viande, sur nos territoires. On envoie un signe, je pense, très négatif ».
Peut-être que c’est une volonté politique. Mais dans ce cas là, il faudra que le ministre soit plus clair dans ses propos et dans ses intentions. Parce qu’actuellement, on est en train d’expliquer aux gens que la production n’est plus forcément une priorité sur nos territoires.
Des annonces ressenties comme une marche en arrière par rapport aux propos de ces dernières années autour du deuxième sujet qui cristalise les tensions : la loi alimentation.
La loi Egalim vidée de son sens et rendue inefficaceCes dernières années en effet, les agriculteurs n'ont cessé d'entendre parler de nécessité de tendre vers la souveraineté alimentaire, de créer de la valeur, d'améliorer la qualité des produits arrivant dans l'assiette du consommateur...
Or, « on constate que la politique mise en place a plutôt tendance à fragiliser la production ».
Sans compter que le compte n'y est toujours pas non plus, côté prix.
Ça fait quatre ans qu’on parle de la loi alimentation. Le président de la République en avait fait un axe fort de sa mandature. A la veille des échéances présidentielles, l’heure du bilan arrive et le compte n'y est pas du tout !
Car oui la loi a permis de poser le débat. Mais d'après le syndicaliste, force est de constater qu’elle ne fonctionne pas. Pourquoi ? Parce que rien, en l’état actuel des choses, n'oblige les acteurs à respecter purement et simplement la loi.« Initialement, il y avait tous les éléments dedans. Mais le lobbying des uns, les allers-retours entre l’Assemblée nationale et le Sénat à deux reprises ont fait qu’on a dépouillé un peu cette loi et que telle qu’elle est actuellement, elle ne peut pas fonctionner », estime David Chauve.
Deux leviers à activer : la PAC et les prixAlors ce que demandent les agriculteurs, c'est l'activation de plusieurs leviers : « la PAC en est un important, les prix un autre. On a quand même une production en pleine hémorragie depuis des années en France ».
Tout le monde croit qu’on aura toujours tout ce qu’on veut en France. Non. Il y a des chiffres au niveau national. On n’a jamais aussi peu produit en France depuis l’année 2000 qu’en 2020 ! Que ce soit en céréales, dans la production laitière, en viande bovine, ovine…
Alors ce jeudi 25, après un mois de mobilisation, la volonté des manifestants est «non pas de perturber, mais de provoquer une prise de conscience. Il y a une véritable problématique de rentabilité économique de nos exploitations et tout ça se passe dans l’indifférence la plus totale », déplore David Chauve.
Gaëlle Chazal