En Creuse, l'écrivain Cyril Herry fait travailler écoliers et retraités sur leur territoire
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Nous avons rencontré l’écrivain Cyril Herry lors d’une de ses trois résidences à la Métive pour un « compagnonnage littéraire » avec différents publics creusois. L’idée : faire partir l’écriture des cartes.
«Je n’en sais rien, vous l’ignorez aussi… mais peut-être serez-vous le prochain personnage de mon roman. » L’appel de l’écrivain Cyril Herry est lancé aux élèves de l’école primaire d’Ahun, forcément flattés de se retrouver au cœur de l’intrigue. Pour cela, ils vont devoir écrire. Epouser la démarche qui a toujours été celle de Cyril Herry : partir d’un territoire. Donc s’inspirer d’une carte. A leur tour, les enfants inspireront l’auteur.
Personnages dans un cadastre« Quand ils ont lu leur texte à voix haute, j’étais cloué », s’émeut encore Cyril Herry. L’atelier avec les terminales du lycée agricole d’Ahun a été le moment le plus marquant de sa semaine. L’écrivain n’arrivait pas en terrain conquis : personne dans la classe n’affirme « avoir l’habitude de lire ni d’écrire ». Peut-être est-ce pour cela, paradoxalement, que les élèves ne connaissent pas le syndrome de la page blanche : « Je pense qu’ils ont trouvé un bon prétexte pour sortir des choses dont ils n’ont pas souvent l’occasion de parler, que ce soit entre eux ou avec leurs parents, interprète le romancier. Je pense notamment a un élève, qui au début avait un blocage, puis qui a réussi à sortir des choses de lui… même lui devait s’étonner ! »
Quel est donc le secret de cet accouchement de l’écriture ? Le territoire, son territoire. Toutes les histoires se sont déroulées dans le lycée agricole d’Ahun et son domaine. Pour les enfants de l’école primaire, Cyril Herry utilise des plans cadastraux. Sur ces cartes, ils doivent détecter des figures. Là où l’auteur confie avoir « séché », les élèves de CM2 l’ont « épaté » en identifiant visages, sorcières, poules, dragons, verres à pieds, limaces… Autant de personnages pour écrire des histoires.
Enfin, à l’Ehpad de Chambon-sur-Voueize, l’écrivain a demandé aux résidents d’effacer le nom des rues, allées, places du village où ils habitent et les remplacer par des souvenirs associés à ces lieux. Ce qui donne des noms à la fois surprenants et poétiques, comme la « place des mémés foudroyées » ou le « quai des bagarreurs ». La carte correspond alors exactement aux histoires que les hommes se racontent. Cyril Herry la définit ainsi : « C’est notre façon de se représenter, parcourir et traverser le monde »
Histoire et géographiePour cet habitant du plateau de Millevaches et grand admirateur des forêts, le territoire a toujours été le point de départ d’une intrigue : « Je pars toujours du lieu et ensuite je le transforme, le module à ma guise. Comme dans mon roman Scalp où je déplace une forêt en Haute-Vienne pour la placer près d’un étang en Corrèze ». Viennent ensuite les personnages, dont la part obscure l’intéresse davantage que leur héroïsme, lui qui écrit dans le style du roman noir.Ainsi les rencontres avec les Creusois l’inspirent toujours car ils ont l’art « d’être attachés à la terre, de vivre avec les saisons ».
De ces ateliers naîtront des créations, écrites et sonores (les voix des lycées sont enregistrées) présentées devant l’ALCA et la DRAC Nouvelle-Aquitaine, qui soutiennent le projet. Et pourquoi pas, de nouveaux romans.
Tom Jakubowicz