Louis Moinet, ce savant berruyer inventeur du chronographe sorti de l'oubli
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Né à Bourges, l’inventeur du chronographe, Louis Moinet, était tombé dans l’oubli. Une délégation de Suisses a fait ressortir le riche passé de ce grand savant du XIXe siècle. Une plaque sur l’école des Beaux-arts, où il a enseigné et sur une impasse lui sont désormais dédiées.
Jacques Cœur, Louis XI, Geoffroy Tory et la peintre Berthe Morisot ou plus récemment Jean-Christophe Rufin et Laurent Bignolas : les célébrités nées à Bourges ne manquent pas et les Berrichons en sont fiers. Pourtant, l’un d’entre eux, qui s’est illustré en créant, en 1816, le chronographe, communément et par abus de langage appelé chronomètre, avait sombré dans l’oubli, jusqu’à ce qu’une délégation de Suisses lui rende la place qu’il méritait au sein de la cité berruyère.
Le nom racheté par un horloger suisseSon nom, Louis Moinet, était inconnu aux yeux des Berruyers jusqu’à il y a encore quelques années. « On se croyait plus malins que les autres, concède Roland Narboux, historien local et ancien adjoint au maire. Un jour, on a reçu un mail nous disant qu’un grand savant était né ici, mais on a été un peu sceptique en pensant connaître tous les illustres personnages de Bourges. »Réplique du chronographe
La délégation de Suisses fait le déplacement jusqu’à Bourges pour apporter des preuves et c’est la stupéfaction car c’était bien « un gars extraordinaire ». Si extraordinaire que Jean-Marie Schaller, horloger suisse, a racheté son nom pour monter sa marque. « C’est lui qui s’est intéressé à moi plus que le contraire, plaisante-t-il. Au début des années 2000, son nom était encore inconnu mais l’horlogerie est un petit monde et Louis Moinet m’est revenu aux oreilles plusieurs fois par des amis. L’un d’eux avait racheté le nom Louis Moinet mais n’y trouvait pas son compte et m’a proposé de le racheter. Avant que cela se fasse, un autre ami avocat, pensant que la transaction était faite, m’a dit qu’un de ses clients était prêt à me racheter la marque 15.000 francs. J’ai rappelé l’ami qui voulait me la vendre pour connaître son prix. Quand il m’a dit 8.000 francs, je me suis dit que j’allais l’acheter pour la vendre mais je n’ai jamais pu m’en séparer?! »
« On a été un peu sceptique pensant connaître tous les illustres personnages de Bourges »
Depuis, Jean-Marie Schaller en est persuadé, il a fait le bon choix. Car en plus d’être le créateur du chronographe, instrument de mesure des temps courts (heures, minutes, secondes), il a également inventé la montre à haute fréquence. « Pour cela, la marque Louis Moinet vient juste d’obtenir un deuxième Guiness World Record, après celui pour le chronographe obtenu en 2016, se félicite Jean-Marie Schaller. L’horloger, qui était aussi artiste et astronome, a cherché à mesurer le 60e de seconde, qui correspond à une tierce, un instrument de mesure astronomique. C’est pour cela qu’il a conçu le chronographe, capable de mesurer le soixantième de seconde, sans quitter des yeux sa lunette astronomique. Et le soixantième correspond à 216.000 vibrations par heure, soit la haute fréquence. »Pendule signée Moinet.
En faisant des recherches sur Louis Moinet, l’horloger découvre qu’il est né à Bourges le 7 décembre 1768, qu’il y a étudié et même enseigné, à l’école supérieure des arts, entre 1804 et 1806. Une chose en entraînant une autre, il fait partie du voyage jusqu’à Bourges, avec l’association des Amis de Louis Moinet dont son ami Bernard Vuilliomenet est le président, pour rencontrer la municipalité et lui proposer de déposer une plaque au nom de l’horloger sur la façade de l’école. Il réserve une chambre à l’hôtel de Panette et ce qu’il appelle « un nouveau coup du destin » intervient. « Le propriétaire, Bruno Lageline, ne connaissait pas l’existence de Louis Moinet le vendredi soir, le samedi matin, il trouvait la maison où il a vécu. »
À quoi ressemble la montre du Berruyer Louis-Moinet à 140.000 euros, dévoilée à Bourges ?
Propriétaire de l’ancienne chambre de métiersBruno Lageline se souvient bien de sa rencontre avec Jean-Marie Schaller, en 2016. « En arrivant, il s’est dirigé vers le plan de Bourges de Panette datant de 1815. Quand je lui ai proposé une carte plus récente. Il m’a dit qu’il cherchait des traces de Louis Moinet. Lorsqu’il m’a dit que c’était l’inventeur du chronographe, né à Bourges, je lui ai dit qu’il se trompait?! » Car lui aussi ignore son existence.À ce moment-là, l’agence immobilière de Bruno Lageline était intéressée par l’achat de la chambre de métiers (depuis vendue à l’entreprise Monin). « En regardant les archives du bâtiment, je découvre que Louis Moinet en a été le propriétaire, ajoute le Berruyer. Donc le lendemain matin, je propose à la délégation suisse d’aller visiter son ancienne demeure. »
« C’est un véritable Léonard de Vinci ce Louis Moinet?! »
C’est ainsi que l’ancienne municipalité décide de baptiser l’impasse qui jouxte le bâtiment de la rue Moyenne, impasse Louis-Moinet, en 2018.
Grâce à une délégation de Suisses qui s’est intéressée à la vie de Louis Moinet, une rue porte désormais son nom à Bourges, sa ville de naissance.Sans les recherches de ces passionnés, Louis Moinet serait sans doute resté inconnu des habitants de Bourges mais pas des connaisseurs. Propriété de Jean-Marie Schaller, qui en est à l’origine, l’atelier Louis Moinet conçoit aujourd’hui des montres d’exception, « des pièces artistiques » qui obtiennent les faveurs de clients importants parmi lesquels des ministres et des chefs d’État. Seulement quatre cents sont fabriquées chaque année, « car nous souhaitons être les champions de la qualité et non de la quantité », précise Jean-Marie Schaller.Roland Narboux possède une réplique du chronographe de Louis Moinet.
Véritable admirateur du travail de Louis Moinet à qui il a consacré un livre mêlant faits historiques réels à sa propre fantaisie, et dans lequel Bourges occupe une place importante, l’horloger a été heureux « de rétablir une vérité historique oubliée » et de mettre en valeur ce personnage qu’il voit comme « un Léonard de Vinci ».
Louis Moinet a œuvré pour NapoléonLouis Moinet est né à Bourges le 7 décembre 1768. Il y a passé les vingt premières années de sa vie, avant d’aller étudier l’art, en Italie. En 1804, il est de retour dans la cité berruyère pour enseigner, à l’école supérieure des arts, jusqu’en 1806. En 1816, installé à Paris, il invente le chronographe, appareil de mesure du temps, aujourd’hui appelé à tort chronomètre. Grâce à une précision rare, permettant à l’aiguille de faire le tour du cadran en une seconde (unité appelée le 60e de seconde), il est également l’inventeur de la montre à haute fréquence, soit 216.000 battements par heure. Louis Moinet est célèbre pour son?Traité d’Horlogerie, publié en 1848 et reconnu comme l’un des ouvrages les plus complet sur le sujet. Il a également réalisé des pendules pour Napoléon, Thomas Jefferson ou le roi d’Angleterre. Il est mort à Paris, le 21 mai 1853, à l’âge de 85 ans.
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Chloé Gherardi