Le bégaiement de Wilfried, Orléanais et coach sportif, s'envole quand il se retrouve sur l'estrade
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L’Orléanais Wilfried Maranaho-Meira bégaye depuis qu’il a commencé à parler à seulement quatre ans. En 2020, il est devenu coach sportif. Et dès qu’il pose le pied sur l’estrade pour donner des cours de fitness… sa diction est fluide, sa voix est claire et son bégaiement s’envole.
Quatre ans. C’est l’âge auquel Wilfried a commencé à s’exprimer. "J’ai directement parlé avec le bégaiement", lance-t-il. "C’est dû à un choc émotionnel..." Une phrase qu’il a du mal à formuler sans buter sur les mots. On n’en saura pas plus sur sa petite enfance. Le souvenir est apparemment encore vivace dans sa mémoire. La porte de son jardin secret est fermée à double tour. "J’ai subi beaucoup de moqueries par rapport à mon bégaiement et même d’autres choses auxquelles j’ai été encore plus sensible…" La porte est toujours fermée. Elle ne s’ouvrira pas aujourd’hui.
À l’école, il reste d’abord dans son coin. Sans aller vers les autres.
"J'avais peur que les autres enfants me jugent par rapport à ce complexe-là et qu'ils me mettent de côté directement. Donc, j’ai préféré prendre l’initiative de rester dans mon coin."
Son bégaiement ne faiblit pas au début de cette interview : "C’est un sujet très sensible pour moi. Donc, ça joue sur le stress, l’émotion." Compliqué de parler à un journaliste de ce handicap – "ce n’est pas un handicap", coupe-t-il, "plutôt un complexe". Mais il continue. Sans se décourager. Une qualité innée chez lui.
Wilfried Maranaho-Meira est aujourd’hui âgé de 25 ans. Malgré son bégaiement, il a réalisé le rêve de sa vie en devenant coach sportif durant l’été 2020. (Photo Eric Malot)
Si la communication est plus que compliquée pendant son enfance, Wilfried tente de trouver des solutions avec l’aide de sa famille, qui l’a toujours beaucoup soutenu : "J’ai fait treize ans d’orthophoniste mais cela ne m’a pas aidé…"
Arrive alors ce stage de trois jours à Paris, quand il a 17 ans. Un moment clé dans sa vie. Qui sera d’ailleurs filmé par les caméras de NRJ12 et de l’émission Tellement Vrai (une vidéo à plus de 100.000 vues sur Youtube). "C’est un ancien bègue qui proposait ces stages", se remémore Wilfried. "Il a trouvé des exercices pour apprendre à mieux respirer, à être moins stressé, à parler par syllabes."
Il faut bien se rendre compte que ce bégaiement lui rendait la vie impossible. Parfois, les mots ne sortant même pas de sa bouche. "Oui, j’avais des gros blocages. Et grâce à ce stage, j’ai appris à mieux respirer. Si je n’y avais pas assisté, jamais je n’aurais pu devenir ce que je suis devenu."
Vous vous rappelez quand Wilfried restait dans son coin ? Cela n’a pas duré longtemps finalement. Pourquoi ? Le jeune homme s’est rendu compte que dans certaines circonstances, son bégaiement s’envolait : "Quand je parle portugais, je ne bégaye pas. Quand j’imite des voix non plus." Il se rappelle : "Quand j’avais huit, neuf ans, j’allais à la messe tous les dimanches. Je lisais un paragraphe au micro. Et bien, je ne bégayais pas. À l’école non plus. Je participais tout le temps. Et quand je chantais ou que je récitais une poésie, je ne bégayais pas. Vu que je connaissais par cœur ce que je devais dire. Mais quand je fais ma propre voix, je bégaye… Pour cette interview, par exemple, je suis stressé mais par moments j’arrive à me contrôler. Il suffit que je me concentre et j’arrête de bégayer pendant deux, trois minutes (une phrase que Wilfried dit sans buter sur aucun mot)."
Et il reprend : "Je suis une personne qui a envie de parler trop vite ! Et tout sort en même temps. C’est aussi à cause de ça que je bégaye. Parce que je veux tellement dire les choses vite. Alors que si je me pose, je peux dire : “Je suis éducateur sportif depuis juillet dernier”". Des mots que Wilfried prononce lors de notre interview, là encore, sans bégayer. "Si je me pose, que tous mes muscles sont relâchés, je sais que je peux parler tranquillement." Une autre phrase qu’il formule d’une traite. "Alors qu’en période de stress ou de fatigue, ça reprend un peu…"
"Maintenant, je n’ai peur de personne"
Wilfried a mis environ huit ans pour se façonner un corps. Une belle carapace pour ce garçon qui a souffert dans son enfance. (Photo Eric Malot)
À 25 ans, il est donc coach sportif. Et quelle sensation incroyable de le voir sur une estrade donner un cours de fitness… sans jamais bégayer ! Il est dans son élément.
Si son rêve de devenir coach, il l’a réalisé, il a également été sapeur-pompier volontaire, brancardier, secouriste, éducateur avec les enfants… "Je continue à travailler cette technique tous les jours (qu’il a apprise lors de ce fameux stage). Et j’ai pu évoluer. Ça m’a aidé à avoir confiance en moi et aussi aller vers les autres. Maintenant, je n’ai peur de personne. Parce qu’avant, j’avais peur des gens. Aujourd’hui, je peux aller leur parler, tranquille. Je m’accepte comme je suis. Je me sens bien. Je préfère aller de l’avant plutôt que de me replonger dans mon passé."
On l’a bien compris, Wilfried croque la vie à pleines dents, sans regarder dans le rétro. Pas le style de la maison. Et le sport a beaucoup contribué à son épanouissement. Après du football, du karaté et de la lutte, il s’est donc lancé dans le fitness. Et là, c’est la révélation. "Depuis que j’y ai goûté, cela m’a donné encore plus confiance en moi. Parce que mon physique a changé. Je me suis dit alors que je pourrais devenir coach sportif."
Après du football, du karaté et de la lutte, il s’est lancé dans le fitness. (Photo Eric Malot) Il va mettre environ huit ans pour arriver à ses fins. Il vient tous les jours à la salle pour se forger un corps. Une carapace même ? "C’est exactement ça, oui. J’ai créé cette carapace pour être bien dans ma tête." Certains doutes l’assaillent néanmoins. "J’ai eu beaucoup d’appréhension. Est-ce que j’allais réussir à donner des cours sans bégayer ? Mais, cela a surpris beaucoup de monde. C’est la preuve que quand on veut, on peut."
Wilfried donne un cours sur l’estrade (en visio aujourd’hui comme les salles de sport sont fermées à cause de la situation sanitaire) et ne bégaye pas une seule fois. Une revanche pour le petit garçon moqué ? "Oh oui, c’est une revanche…", sourit-il. "C’est le bon mot. On me disait que je n’arriverais à rien dans la vie, que je ne pourrais jamais réaliser mes rêves."
Alors qu’il n’a que 25 ans, Wilfried accepte d’évoquer son complexe pour une seule raison : faire profiter de son expérience à des jeunes qui souffriraient du bégaiement. Il est un exemple. "S’ils ont des questions sur quoi que ce soit, je vais y répondre avec plaisir. Si quelqu’un a besoin de parler, je serai là. J’ai ramé pendant des mois, des années. Pour en arriver à être coach sportif. J’ai envie de transmettre ce que j’ai vécu. Parce que je veux montrer aux gens qu’avec n’importe quel complexe, on peut réussir dans la vie. Il faut juste s’accepter tel qu’on est."
Alban Gourgousse