« On prend vraiment tout dans la figure » : le cri du cœur des lycéens de La Souterraine (Creuse) en temps de pandémie
Un sit-in était organisé mardi matin, devant le lycée Raymond-Loewy de La Souterraine. Un symptôme local pour ce malaise général qui gagne la jeunesse telle une autre pandémie.
Les marches du vénérable bâtiment A au lycée Loewy de La Souterraine n’en sont pas à leur première manif. Mais celle qui avait lieu hier, très classique dans sa forme (une soixantaine d’élèves avec pancartes dans un état d’esprit bon enfant), était sans doute inédite sur le fond.
Cette fois, aucune réforme de carte scolaire ni projet de loi à combattre en particulier. Pas de syndicat, ni de politique derrière. Juste un sentiment général de malaise à exprimer sur l’époque. Avec, bien sûr, la crise sanitaire en toile de fond (tout le monde était bien masqué).
« Nous, on prend vraiment tout dans la figure », lâchait ainsi un élève de première arts appliqués. C’est de cette filière, qui fait pourtant l’image de marque de Loewy, qu’est parti le mouvement. « Il faut comprendre que nous avons enchaîné la réforme du bac, puis le premier confinement et cette pandémie qui n’en finit plus », poursuivent ses amies.
« Je connais une dizaine de personnes qui s’automutilent »
Cet enchaînement pèse très lourd à un âge où l’on se pose déjà mille questions en temps normal. Questions qui, elles, ne trouvent guère de réponses : « J’ai recensé le nombre de personnes que je connais qui s’automutilent… Il y en a une dizaine, déclare tout de go une élève. J’ai moi-même des troubles du comportement. Et heureusement que je suis aidée par ma famille et un médecin à l’extérieur. Car ici rien de tout ça n’est entendu ».
« En guise de réponse, on nous dit qu’il faut laisser les problèmes privés à la maison… Ce qui est compliqué quand on est interne ! », s’exclame une jeune fille. « On nous dit que le confinement est derrière nous sauf qu’on n’a jamais eu le temps de rattraper les lacunes qu’on a accumulées à ce moment-là », enchérit une autre.
Les témoignages d’idées noires se mélangent aux agacements plus triviaux tandis qu’on attend le retour d’une délégation informelle reçue par madame la proviseure. Preuve d’un discours mesuré, les élèves veulent vider leur sac, mais aussi la remercier d’avoir maintenu le tout présentiel depuis septembre pour éviter d’ajouter l’isolement à tous leurs autres maux. Cette réunion durera largement plus d’une heure, signe que le dialogue est réel, mais aussi sans doute, qu’il était nécessaire.
« Ça fait du bien d’être écoutée »C’est d’ailleurs l’envoi, avant les vacances, d’une dizaine de lettres individuelles à la direction qui a provoqué l’action d’hier : « Nos messages sont restés sans réponses, alors on s’est organisé sur Instagram pour la rentrée… »
S’il n’y avait bien sûr pas de mesures révolutionnaires ni de perspectives miraculeuses, les jeunes avaient donc le sentiment d’une petite victoire à l’issue de l’entrevue. Un moment pour se sentir exister, c’est déjà beaucoup. Après avoir parlé à la presse, une lycéenne soufflait déjà discrètement : « Ça fait du bien d’être écoutée ».
Floris Bressy floris.bressy@centrefrance.com