La vaccination par les médecins du Cantal a démarré
Le docteur Jacques Dalbin ouvre la porte du réfrigérateur. Et en sort un flacon étiqueté AstraZeneca, visiblement heureux de tenir le précieux antidote entre ses mains. « Enfin les médecins prennent la main », lance-t-il. « Si on nous avait dit, en mars dernier, que nous commencerions à vacciner douze mois plus tard, nous n’y aurions pas cru », sourit, à ses côtés, Jean-François Collin, président de l’Ordre départemental des médecins.
Depuis jeudi, les 30.000 médecins généralistes – sur 55.000 en France – qui se sont portés volontaires ont commencé à vacciner les premiers patients, âgés de 50 à 64 ans ayant des comorbidités, avec le sérum d’AstraZeneca, le troisième autorisé en Europe. En Auvergne-Rhône-Alpes, selon l’Agence régionale de santé, ils sont 3.300 (sur 6.201), dont 77 dans le Cantal. « Mais je ne doute pas que dès la semaine prochaine, ce sera 100 % », précise Jacques Dalbin, également président de l’Association des médecins du bassin d’Aurillac et du Cantal (Ambac).
« C’est une tranche d’âge qu’on ne voit pas forcément en consultation »
« On nous a informés du lancement de cette campagne en fin de semaine dernière, en plein pendant les vacances scolaires, certains ont été pris de court pour passer les commandes », explique le médecin, qui officie, avec ses confrères Philippe Lassus et Cyril Guibert, au sein de la maison de santé pluriprofessionnelle (trois médecins, cinq infirmières, un kinésithérapeute et deux secrétaires) de Saint-Paul-des-Landes, à une quinzaine de kilomètres d’Aurillac. « Il a fallu s’organiser rapidement, mais c’est plus facile de réagir vite dans une structure comme la nôtre, en mettant un médecin et un infirmier totalement dédiés à la vaccination, le temps d’un après-midi. »
Pour cette nouvelle étape dans la campagne de vaccination contre le Covid-19 (après les résidents des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les plus de 75 ans ou encore les soignants), ce ne sont pas les conditions de conservation du vaccin qui demandent de l’organisation. Elles sont moins drastiques que pour les vaccins Pfizer et Moderna : le flacon, qui contient dix doses, se garde 48 heures au réfrigérateur et 6 heures à température ambiante.
Il faut déjà faire avec le peu de stock car la distribution se fait au compte-gouttes par les officines aux médecins généralistes. Si 550.000 doses sont arrivées en France, les quantités par généraliste volontaire sont encore très limitées : un flacon de dix doses par praticien. À la maison médicale de Saint-Simon, les quarante premières ont été récupérées jeudi. Et la vaccination devrait commencer la semaine prochaine, confirme le docteur Julien Marchadou.
Nous sommes en train de finaliser tout ça. Nous envisageons de vacciner vingt personnes et de conserver les vingt autres doses pour être sûrs de leur assurer leur deuxième injection.
Ce qui est le plus compliqué, c’est de reprendre tous les dossiers pour repérer les patients éligibles à la vaccination, de vérifier qu’ils se situent dans la bonne tranche d’âge et avec des facteurs de risque, et de leur proposer la vaccination. « Certains le veulent vraiment, nous avons des volontaires. Mais c’est une tranche d’âge qu’on ne voit pas forcément en consultation. Ceux que nous voyons dans nos cabinets sont au courant. Mais pas les autres. Et ce sont ceux-là que nous devons aller chercher. »
Un autre rendez-vous dans douze semaines pour la seconde doseÀ Saint-Paul-des-Landes, les vingt premières injections ont été administrées vendredi après-midi. Janine Richard, 63 ans, a été parmi les premières à la recevoir. Une fois la piqûre faite et le quart d’heure d’observation passé pour surveiller toute réaction allergique suivant l’administration du vaccin, elle est repartie avec un autre rendez-vous dans douze semaines pour la seconde dose. Pour elle, pas d’hésitation à avoir : « C’est le seul moyen de se protéger. » Dans la salle d’attente, son voisin, lui, y voit le moyen « de retrouver une vie à peu près normale ». « Je le fais pour pouvoir de nouveau profiter de mes petits-enfants sans masque?! »
Car si les patients sont très demandeurs, il a également fallu faire preuve de pédagogie, concède Jacques Dalbin. Le vaccin d’AstraZeneca a pu souffrir d’une mauvaise réputation, entre son coup d’arrêt en Afrique du Sud (à la suite d’une étude concluant à son efficacité limitée face au variant sud-africain), ses effets secondaires grippaux relatés par certains hôpitaux ou encore son efficacité moindre par rapport aux autres vaccins de Pfizer-BioNTech et de Moderna déjà autorisés dans le pays… Sur la vingtaine de patients contactés, un seul a dit non à Jacques Dalbin. « Pour les autres, certains ne voulaient pas de l’AstraZeneca, mais du Pfizer. Or, il faut le répéter et insister : l’AstraZeneca est un bon vaccin. Il a une efficacité supérieure à celle du vaccin de la grippe. Et depuis quelques jours, des études ont montré de meilleurs résultats sur des formes sévères et enfin, une efficacité accrue après la deuxième injection, de l’ordre de 82 %. »
Cette vaccination « en ville » devrait par ailleurs connaître, en mars, un coup d’accélérateur avec l’arrivée de nouvelles doses et la possibilité, annoncée jeudi par le ministre de la Santé, pour les pharmaciens de vacciner.
« C'est l'étape qu'on attendait »Pour Jean-François Collin, président de l'Ordre départemental des médecins, « c’est l’étape qu’on attendait. Que les médecins libéraux puissent vacciner dans leur cabinet, et non plus seulement dans les quatre centres de vaccination ouverts dans le département (deux à Aurillac, un à Mauriac et un à Saint-Flour, NDLR), nous permet d’avoir une offre de vaccination de proximité intéressante. Le gros avantage, avec le vaccin d’AstraZeneca, c’est sa simplicité d’utilisation. Contrairement à Pfizer et Moderna, il doit être transporté et stocké à des températures comprises entre 2° et 8°. Certes, cette semaine, il n’y a qu’une dose par praticien, mais cela va passer à deux, voire trois, dès la semaine prochaine. Il nous manque encore les patients de 65 à 75 ans sans comorbidités, qui sont très concernés et nombreux à nous solliciter. Nous espérons que les autorités sanitaires ouvrent la vaccination à cette catégorie de la population le plus rapidement possible. »
Emmanuel Tremet