A Aubusson (Creuse), les solitudes se sentent un peu moins seules dans le quartier de La Terrade
Alors qu’il prépare une deuxième édition de son festival précaire pour l’été, Restyll illumine poétiquement son quartier de La Terrade, chaque soir, à l’heure où sonne le couvre-feu.
Souvenez-vous, l’été dernier. Quand la culture, cette belle endormie par le Covid, était sortie de sa torpeur en plein cœur d’Aubusson. Des compagnies volontaires, un plein air bienvenu, un lieu idéal : au mois d’août, Aubusson pouvait se targuer d’avoir, elle, son festival de théâtre de rue quand les annulations pleuvaient aux quatre coins de la France. Une dizaine de spectacles sur la Place du nouveau marché et au total près de 1.300 spectateurs dans les gradins.
Est-ce que tout a changé ? Non, pas vraimentUne initiative, doublée d’un vrai succès, dû à un artiste local, Restyll. Le même qui, quelques mois plus tôt, avait accroché son envie, son besoin même, de Changer tout : ses accroches poétiques dans son quartier de La Terrade avaient piqué la curiosité et redonné le sourire aux quidams alors confinés.
Dans les rues d'Aubusson (Creuse), l'envie d'un autre monde s'accroche aux murs
Changer tout ? Ben, non pas tant que ça. Presqu’un an plus tard, la vie est toujours sous cloche. Le couvre-feu a remplacé le confinement mais finalement… Dans son quartier de La Terrade, Restyll travaille à son prochain festival précaire, augmenté cette année.« Je n’aime pas faire tout le temps la même chose, raconte-t-il. On a donc décidé de le faire sur trois lieux en même temps, du 3 au 13 août prochain : Aubusson, Guéret et Bourganeuf. L’idée, c’est que tous les soirs à 19 heures, il y ait un spectacle dans chacune de ces trois villes. On veut développer l’audience qu’on avait eue sur Aubusson l’été dernier, l’étendre à tout le département. On a déjà des compagnies qui sont intéressées mais on ne se précipite pas. Là, on est plutôt sur l’aspect financier. On prévoit un budget de 60.000 € cette année donc il va nous falloir des aides. »Mais, même plongé dans les chiffres et les demandes de subventions, l’artiste veille. Et crée. Même si la période n’est pas plus favorable que l’an dernier. « Même si on n’a pas de public, on ne peut pas s’empêcher de créer. »
C’est l’ultra-moderne solitudeDans son quartier de La Terrade, Restyll avait décroché ses accroches poétiques à la fin de l’été. Mais pas raccroché son envie de tout changer. Depuis une quinzaine de jours, quand tombe l’heure du couvre-feu, une œuvre s’allume là-haut sur les façades. « Solitudes », qu’elle clame en rouge et blanc. « C’est un visuel que j’avais fait réaliser par Laurie-Anne Estaque pour une de mes créations que j’avais faite avant le confinement. Une pièce de rue d’une dizaine de minutes qui se passait dans une buvette. Un spectacle dans la tête du barman qui passait péniblement sa journée à essayer de supporter ses clients. J’avais eu de bons retours, j’étais parti pour faire des résidences. »
Dans la Creuse, Aubusson s'offre son festival de rue
Mais Covid, confinement, distanciation et culture réduite au silence… Le spectacle, prévu à la base pour une petite vingtaine de spectateurs dans un petit lieu clos, a forcément rejoint les cartons. « Mais le visuel était fait et il est plutôt d’actualité, non ? La solitude, c’est bien ce qui nous rapproche en ce moment. » Alors, Restyll a chiné un vieux rétroprojecteur d’école dans une ressourcerie du coin, il a accroché le visuel et chaque soir dès 18 heures (*), quand le couvre-feu rapatrie toutes les solitudes dans leurs foyers, y en a une qui s’allume dans le quartier de La Terrade pour leur montrer qu’elles ne sont pas seules à être seules. (*) De 18 heures à 21 heures et de 7 heures à 8 heures.Séverine Perrier