Dans les coulisses du musée d'art Roger-Quilliot, à Clermont-Ferrand, fermé au public depuis des mois
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Le musée est le point de rencontre entre une collection et des visiteurs. En l’absence des uns, toute l’attention se porte sur l’autre. Durant ses longs mois de fermeture, la vie continue. Le personnel du musée d’art Roger-Quilliot de Clermont-Ferrand est donc au chevet des 750 œuvres (sur les 20.000 items en réserve). Pour rouvrir plus beau, plus pertinent.
Le musée d’art Roger-Quilliot (Marq), après un printemps et un été en dents de scie, est fermé au public depuis l’automne. Il ne sommeille pas. Avec cette pandémie, il vit une période aussi dramatique qu’enthousiasmante puisque c’est « l’occasion de retrouver le chemin des collections permanentes. À force de les voir, on finit par ne plus regarder les œuvres… Alors, en ce moment, on peut réévaluer la collection, réintroduire des œuvres. C’est aussi le moment pour réarticuler des expositions temporaires pour mieux faire vivre le patrimoine », insiste Cécile Dupré, directrice des musées de Clermont Auvergne Métropole.
L'aile XVIIe siècle, réorganisée depuis le départ du cycle Roland furieux.
20.000 itemsLoin des yeux des visiteurs, il s’agit de faire battre le cœur de la collection. L’équipe a vite repris ses esprits pour faire avancer les dossiers. Pour que les retrouvailles soient les meilleures possibles… et même anticiper le trentième anniversaire du musée, prévu en 2023.
Les dix-huit personnes qui travaillent au musée sont pour la plupart soumises au télétravail. « Mais compte tenu de l’espace disponible, une rotation en présentiel est en place pour que les agents restent en contact avec le musée, pour y maintenir une vie », explique Nathalie Roux, directrice du Marq. Ils sont aux petits soins pour les 750 œuvres présentées en temps ordinaire au public, sur les 20.000 items qui composent la collection.
Les Saltimbanques de Gustave Doré a pu être restauré sur place en l'absence du public....qu'il attend patiemment.
Pas de pressionPrincipal avantage : les agents travaillent sans la « pression » des visiteurs. « Nous sommes déchargés d’une forme de culpabilité de devoir fermer des salles », avoue Pauline Goutain, directrice adjointe. Voilà qui a d’abord permis d’effectuer un ménage de premier ordre, de réorganiser des ailes entières, comme celle dédiée au XVIIe siècle, débarrassée du cycle Roland furieux, promis à une nouvelle histoire (voir ci-dessous). C’est aussi l’occasion de faire des restaurations sur place, comme celle des célèbres Saltimbanques de Gustave Doré.
L’acuité nouvelle offerte par cette fermeture permet une veille sanitaire plus précise. Ce meilleur repérage des œuvres en délicatesse avec le temps conduit à la mise en place d’un calendrier de sauvegardes à effectuer. Ce qui permettra au public de retrouver, en état de grâce, les deux statues (exposées jadis au jardin Lecoq) : Méléagre de Charles-Louis Beylard et Faune dansant de François Mouly. Autre retour, celui d’un chef-d’œuvre : l’autoportrait de Hyacinthe Rigaud (auteur du tableau de Louis XIV qui orne tous les livres d’histoire).
Une nouvelle jeunesse - qui n'a pas pour autant gommé tout le passé - du Faune dansant de François Mouly, installé au début du siècle dernier au jardin Lecoq de Clermont-Ferrand.
Marq, Orsay, même combatCette fermeture est aussi une aubaine pour l’indispensable récolement (qui permet de s’assurer que toutes les œuvres sont bien présentes dans la collection) et la numérisation. Être autant recentré sur sa collection n’empêche pas de rester ouvert au monde. La veille d’œuvres en vente, susceptibles d’intégrer la collection, est de rigueur. Les liens avec les autres musées, tous pris dans le même tourbillon, se sont renforcés. Ainsi, les relations entre le Marq et le musée d’Orsay sont au beau fixe, comme en témoigne le dépôt exceptionnel de l’institution parisienne : quatre huiles sur toile – et autant de vues sur l’Auvergne – du peintre symboliste Alphonse Osbert. À découvrir, le plus vite possible, dans les allées du Marq.
Un buste d'Etienne Clémentel signé Auguste Rodin arrive au Marq
Roland toujours furieux, moins mystérieuxLe cycle de Roland furieux décorait le château d’Antoine Coëffier-Ruzé d’Effiat (Puy-de-Dôme), surintendant des finances promu maréchal de France en 1631. Ces douze toiles d’un auteur toujours inconnu montrent l’épisode où le chevalier Roland, modèle de vertu, perd la raison face à l’amour non partagé d’Angélique. Dans les collections clermontoises depuis le milieu du XIXe siècle, leur état a d’abord entraîné un dépoussiérage et quelques consolidations en 2019.
Dans la perspective d’une exposition temporaire, elles ont quitté leur aile habituelle pour une salle plus vaste du musée. De quoi prendre de la hauteur, à la manière de leur installation, jadis, dans le château d’Effiat. Le recul et la lecture panoramique du décor permettent de redécouvrir la majesté de l’œuvre complète. Le temps jouant en sa faveur, le Marq a profité du confinement et de sa fermeture pour pousser l’étude du cycle un peu plus loin. Il n’a pas ouvert la boîte de Pandore, mais a tout de même mis le doigt dans un sacré engrenage.
« Tel que c’est parti, nous sommes sur un chantier d’au moins dix ans », s’enthousiasme Cécile Dupré, directrice des musées métropolitains et commissaire de la future exposition. Décadrées, les douze toiles ont tout d’abord dévoilé une numérotation et accessoirement un mètre carré de peinture supplémentaire chacune. Elles sont aussi passées aux rayons X, aux UV comme aux infrarouges du Ciram, laboratoire spécialisé bordelais.
« Tout cela montre de nouveaux objets et un dessin originel bien plus précis que l’ultime couche, usée par le temps, veut bien le laisser croire. »
Voilà qui suscite l’intérêt déjà grand du Marq… mais pas seulement. Cette œuvre mystérieuse pourrait être une pièce maîtresse d’une partie de l’histoire de l’art pictural qui manque d’éléments. Les historiens sont à l’affût.
Le cycle Roland furieux à retrouver pour exposition temporaire, si possible, dès le mois de mai prochain.
A voir plus tard, à apercevoir tout de suitePendant le confinement, le Marq affine ses protocoles sanitaires et ses actions de médiation. Dès qu’il sera autorisé à ouvrir, il ne se fera pas prier. Si ce jour béni devait intervenir avant le 21 février (au-delà duquel le Marq s’est engagé à faire partir les œuvres vers d’autres musées), le public pourra retrouver, outre l’exposition permanente rehaussée de quelques perles, l’exposition We where so much in love de Joël Andrianomearisao.
Cet artiste contemporain malgache a représenté son pays à la dernière Biennale de Venise. C’est bien là le véritable crève-cœur de cette fermeture obligée par la pandémie : pour la première fois, une grande exposition du Festival international des textiles extraordinaires s’installait au Marq qui, pour l’occasion et la première fois, a coproduit les œuvres. We where so much in love propose, à travers tout le musée, une « méditation poétique sur l’Amour et le Temps », avec le noir profond pour guide.
La réativité de Joël Andrianomearisao à l'épreuve du Marq.
Il est possible, actuellement, d’apercevoir de l’extérieur quelques œuvres : le néon qui domine le musée, les miroirs fendus de larmes noires dans lesquels se reflète la façade de la chapelle des Ursulines… Le Marq termine également l’installation de 7320, une carte blanche à l’association Non-Breaking Space. Cette exposition est un soutien aux artistes plasticiens du territoire. Elle sera en place jusqu’au 26 avril.
Dix œuvres hors les mursLe musée clermontois présente également dix œuvres hors les murs, en l’occurrence au collège et lycée Saint-Marie de Riom. Seuls les élèves peuvent ainsi s’initier par le regard à l’art du portrait du XVIIe au XXe siècle. À noter enfin qu’une équipe de l’agence d’attractivité numérique Rioviz a parcouru les allées du musée, durant la première semaine de février, et doit réaliser une visite virtuelle immersive du lieu. À découvrir très prochainement sur le site Internet de Clermont Auvergne Métropole (onglet bouger/se divertir).
Pierre-Olivier FebvretPhotos Franck Boileau