Creuse : la petite-fille de Pierre Bourdan élève au lycée... Pierre-Bourdan
Depuis janvier, le lycée Pierre-Bourdan accueille l’arrière-petite-fille de l’homme qui a donné son nom à l’établissement. Pour Laura Cavalli, ce semestre en Creuse est forcément particulier.
« Mes amis m’ont prévenue : quand tu rentreras ici, personne ne te fera d’interview ! » Parce qu’en Italie, Laura Cavalli est une lycéenne comme les autres. Mais en Creuse et plus particulièrement à Guéret où elle suit les cours de 1re L depuis janvier, Laura est un peu la star de l’établissement : chaque matin, elle pousse les portes du lycée qui porte le nom de son arrière-grand-père.
La semaine dernière, alors que toute sa famille est venue la voir depuis Milan, le séjour a viré au pèlerinage : pas un jour sans une visite sur les traces de Pierre Bourdan, pas un jour sans une réception quasi-officielle.
Réception à la mairie de Guéret.
Bref, même si Laura aurait bien apprécié de passer un peu plus de temps rien qu’avec ses parents, sa grand-mère, sa tante, elle a pu mesurer l’attachement des Creusois à celui qui a pris le nom d’un village tout proche avant de le donner au lycée où elle se rend chaque matin.
« Je connaissais déjà son histoire mais là, c’était voir l’histoire »« C’est vrai que j’étais restée trois mois et demi sans voir mes parents alors j’aurais bien aimé les avoir un peu plus rien que pour moi, confie Laura, en ce lundi de rentrée. Il y a même eu des moments où je me suis dit : Ouh, cette histoire, ça commence à m’agacer ! J’aurais aimé avoir un peu plus de temps avec eux. Mais je suis quand même très fière de mon arrière-grand-père et c’était très émouvant. D’aller dans le village du Bourg d’Hem qui est très joli, de voir la plaque et le buste. De rencontrer des gens… Je connaissais déjà son histoire mais là, c’était voir l’histoire. J’ai appris d’autres choses sur lui ici, c’est sûr que je le connais encore mieux. Pendant les vacances de février, j’étais allée dans le village où il s’était échappé du train (*) : c’était très émouvant. »
La famille de Pierre Bourdan accueillie par le proviseur de l'établissement guérétois.
Car si Laura était déjà venue plusieurs fois en France, jamais elle n’avait posé les pieds en Creuse avant ce mois de janvier. Ce séjour, c’est sa grand-mère paternelle, Michèle Maillaud, la fille de Pierre Bourdan qui vit elle aussi tout près de Milan, qui en a eu l’idée.
« En fait, je voulais faire une année scolaire à l’étranger, raconte Laura. Je devais aller en Allemagne dans un lycée privé européen mais c’est une école qui coûte assez cher. Ma grand-mère m’a dit : “Pourquoi tu n’irais pas en France dans le lycée de mon père ?”. »
« Elle m’en parlait souvent de son père, je savais qu’il y avait un lycée qui portait son nom. Je parlais déjà le français avant de venir, surtout avec ma grand-mère et à l’école, on travaillait beaucoup le français. Alors j’ai dit : Ok, cool. Moi, j’aime trop la France. »
Visite en famille dans l'établissement.
Et tandis que Laura prend un peu la température guérétoise sur Internet – « Milan, c’est une grande ville, c’est toujours la fête. Je me suis dit : ouh, la, la la campagne française… » – sa grand-mère a pris contact avec une Guérétoise qu’elle connaissait bien : Sylvie Dussot s’est alors occupée de l’inscription au lycée et a tout de suite proposé d’accueillir Laura les week-ends, à sa sortie de l’internat.
Laura pourrait suivre des études en France, dans les pas de son arrière-grand-père« Mes parents m’ont emmenée ici le 5 janvier. Ils ont passé le week-end avec moi et le lundi matin, j’ai fait ma rentrée au lycée. Au début, on ne voulait pas dire tout de suite qui j’étais pour ne pas qu’on dise : “ah d’accord, c’est la fille de”. Mais le premier jour, beaucoup le savaient déjà et ça s’est très bien passé. On m’a bien accueillie. Les élèves et les profs se sont intéressés. Je me suis fait des amis très vite. »
Laura au côté de son père Roberto, de sa tante Viviane et de sa grand-mère, Michèle Maillaud, la fille de Pierre Bourdan.
En juin prochain, Laura regagnera son Italie. De son séjour creusois, elle ramènera de beaux souvenirs, liés à son aïeul mais pas seulement. Elle y aura aussi gagné « en indépendance, en autonomie, en maturité ».
Encore plus fière de cet arrière-grand-père auquel elle ne pense pas forcément tous les jours en poussant la porte du lycée « mais quand même, quand j’y pense, c’est spécial ». Et dont elle pourrait bien suivre les traces : « J’aimerais bien être journaliste politique. » Une ambition qui pourrait bien la ramener dans notre pays : « Ma mère pense que ça serait bien que je fasse Sciences Po en France. En Italie, c’est un peu nul. »
(*) En août 1940, alors qu’il est arrêté, Pierre Bourdan parvient à s’évader près de Saumur du train de déportés et prisonniers, dit train de Langeais.
Séverine Perrier Photos : Floris Bressy