Martin Schulz, du perchoir européen à la politique allemande
Après une présidence remarquée au Parlement européen, Martin Schulz fait figure de favori des sociaux-démocrates allemands dans la course à la chancellerie contre Angela Merkel, malgré une absence totale d'expérience politique à l'échelle nationale à ce jour.
Resté jusqu'à présent loin des joutes politiques germano-allemandes, M. Schulz, qui a quitté son poste à Bruxelles mi-janvier, jouit d'une popularité comparable à celle de la chancelière.
Il s'agit là d'ailleurs d'une des raisons qui ont conduit mardi le chef du Parti social-démocrate (SPD), Sigmar Gabriel, à jeter l'éponge et à proposer son nom pour tenter de priver Mme Merkel d'un quatrième mandat à l'issue des législatives du 24 septembre. Martin Schulz lui-même n'a pas encore fait part de ses intentions.
En décembre, peu après avoir annoncé qu'il renonçait au perchoir européen pour se présenter comme député en Allemagne, Martin Schulz recueillait 57% d'opinions favorables, autant que la cheffe de gouvernement allemand.
Toujours en verve pour parler de l'Union européenne, réputé pour son franc-parler, cette figure honnie des droites extrêmes et populistes avait annoncé fin novembre vouloir mener la liste du Parti social-démocrate (SPD) en Rhénanie du Nord-Westphalie, région industrielle et la plus peuplée d'Allemagne, pour les élections de septembre.
- Contre les "démons du 20e siècle" -
Ce social-démocrate de toujours, âgé de 61 ans, s'était jusqu'ici surtout consacré au Parlement européen dont il a participé à considérablement accroître l'influence, selon des observateurs.
Pour lui, l'Union européenne est le rempart contre "les démons du 20e siècle" que sont la xénophobie, le racisme ou l'antisémitisme. Appelé à réagir après le Brexit en juin dernier, il a ces mots : "si nous détruisons les instruments avec lesquels nous avons banni nos démons, nous les libérons à nouveau", une référence à l'essor des droites radicales anti-européennes un peu partout sur le continent.
Depuis que le Parlement européen est élu au suffrage universel, en 1979, M. Schulz est le seul à l'avoir présidé pendant une période aussi longue : presque cinq ans. Il en est membre depuis 22 ans. Il se disait qu'il aurait aimé encore prolonger ce mandat, mais l'idée faisait grincer des dents la droite de l'hémicycle, majoritaire et qui aspirait à l'alternance.
Avenant mais aussi autoritaire, voire brutal, selon ses détracteurs, cet ancien libraire avait échoué à devenir président de la Commission européenne en 2014, battu par Jean-Claude Juncker.
Cet homme quasiment chauve aux yeux bleu clairs et à la barbe poivre et sel est un homme qui répugne à la langue de bois. "Il faut parler sans ambages pour que les gens nous comprennent", dit-il.
Né le 20 décembre 1955, Martin Schulz a grandi dans les environs d?Aix-la-Chapelle, à la frontière avec la Belgique et les Pays-Bas.
- "Kapo" de Berlusconi -
Lycéen dans une institution catholique, ce supporteur du club FC Cologne rêve de devenir footballeur professionnel avant de s'adonner à sa passion pour les livres et devenir libraire à Würselen, dans la banlieue d'Aix-la-Chapelle. Il se consacrera à ce métier de 1982 à 1994.
Mais Martin Schulz est un citoyen engagé dans les rangs du parti social-démocrate, auquel il adhère à 19 ans. A 31 ans en 1987, il devient maire de Würselen, mandat qu'il exerce pendant 11 ans.
En 2000, il devient chef de file des députés européens du SPD. En 2004, il est porté à la tête du groupe Parti socialiste européen au Parlement européen, qui rassemble notamment les élus sociaux-démocrates allemands, du PS français et du Parti démocrate italien.
Sa notoriété doit beaucoup à un coup d?éclat en 2003 du président du Conseil italien de l'époque Silvio Berlusconi, alors que l'Italie présidait l'Union européenne. Lors d'un débat au Parlement européen, en présence de M. Berlusconi, M. Schulz avait évoqué "le virus des conflits d'intérêts". Piqué au vif, le Cavaliere, homme d'affaire controversé, avait répondu qu'il le verrait bien dans le rôle d'un "Kapo", ces prisonniers choisis par les nazis pour encadrer les autres déportés. "Mon respect pour les victimes du national-socialisme m?interdit de vous répondre", s'était-il contenté de dire.