Venise: avec "Frantz" de François Ozon, la France fait son entrée à la Mostra
Au lendemain de la guerre de 14-18, une jeune allemande s'éprend du mystérieux ami français de son ex-fiancé, tombé au front.
"Frantz", drame sentimental en noir et blanc de François Ozon a marqué samedi l'entrée en lice du premier des deux films français en compétition à la Mostra de Venise.
"L'idée du film est née d'une pièce de théâtre écrite par Maurice Rostand dans les années 20. J'ai beaucoup aimé l'histoire de ce garçon qui apporte des roses sur la tombe d'un soldat allemand", a déclaré François Ozon, 48 ans, lors d'une conférence de presse à Venise.
"Puis, je me suis rendu compte que la pièce avait été adaptée dans les années 30 par Ernst Lubitsch, dans +Broken Lulluby+, et ma première réaction a été de laisser tomber, car comment passer après Lubitsch ?", a ajouté le cinéaste, sélectionné pour la troisième fois dans la Cité des Doges.
Le réalisateur a expliqué avoir persévéré dans son projet en se démarquant du maître allemand. "Lubitsch a raconté l'histoire du point de vue du soldat Français. Ce qui m'a plu, en tant que cinéaste français, c'est de la raconter avec le regard d'une jeune allemande", a-t-il souligné.
L'intrigue de "Frantz", qui sort en France mercredi, se déroule au lendemain de la Grande Guerre, dans une petite ville allemande. Anna (Paula Beer), fiancée éplorée, se rend quotidiennement sur la tombe de Frantz, son amoureux tombé dans les tranchées françaises.
Un jour, Adrien, un jeune français, vient lui aussi se recueillir sur la stèle du défunt. Après avoir longuement hésité, il se rend au domicile de la jeune femme, qui vit chez ses parents. Entre les deux se noue un lien inattendu qui permettra à Anna de découvrir des pans secrets de la vie de Frantz.
François Ozon a confié le rôle complexe et ambigu d'Adrien à Pierre Niney, 27 ans. "Je savais qu'il avait une grosse formation théâtrale, j'aimais son physique intemporel qui correspond bien à l'époque que je présente dans le film", a déclaré François Ozon.
- Mensonge et culpabilité -
Pour l'ancien pensionnaire de la Comédie Française, l'une des difficultés du rôle a été "d'apprendre à parler l'allemand, à jouer du violon", a-t-il expliqué samedi à Venise.
"Il a fallu aussi travailler sur les choses qu'il fallait cacher ou montrer parce que suis le porteur de ce mystère, je suis le premier menteur du film", a ajouté le plus jeune meilleur acteur du cinéma français, "césarisé" en 2015 pour Yves Saint Laurent.
Pour son deuxième film en costumes, après "Angel" en 2007, François Ozon a choisi de tourner en noir et blanc.
"En faisant des recherches pour le film, je me suis rendu compte que raconter cette histoire en noir et blanc aurait donné plus de force parce nos souvenirs de la guerre, toutes les archives sont aussi en noir et blanc", a-t-il justifié.
"Du point de vue esthétique, il me semble que la guerre est une période de deuil, de douleur et donc que le blanc et le noir sont les couleurs les plus justes", a-t-il ajouté.
Tourné en allemand et en français, son 16e long métrage parle aussi du sentiment de culpabilité, du mensonge qui peut être destructeur et parfois salvateur.
Il parle aussi du deuil, à travers les parents d'Anna. Il souffrent tellement de l'absence de Frantz qu'ils sont prêts à accueillir Adrien parmi eux, presque disposés à ce qu'il prennent la place de Frantz.
"C'est fréquent dans toutes les histoires de deuil: on prend plaisir et on a besoin de reparler de la personne disparue, tout en l'idéalisant", explique François Ozon.