Robes rouges contre robes noires au procès de l'ancien avocat d'Action Directe
Robes noires contre robes rouges: le procès disciplinaire de Bernard Ripert s'est transformé jeudi en tribune libre de l'ancien avocat d'Action Directe (AD) sur fond d'affrontement entre avocats et magistrats, dix jours après son bref internement d'office.
Des dizaines d'avocats en robes noires étaient venus de toute la France soutenir le tonitruant juriste à la barbe blanche, poursuivi pour des manquements disciplinaires.
Jean-Marc Rouillan, l'ancien chef de file du groupe armé d'extrême gauche, ainsi que l'ancien président de cour d'assises Jean-Marie Fayol-Noireterre et des dizaines de citoyens s'étaient également déplacés, débordant largement de la petite salle d'audience de 40 places. "Procès public!" scandait la foule maintenue à l'extérieur.
Coutumier des provocations, l'avocat a commencé par s'adresser à la cour d'appel en lui tournant le dos "pour ne pas être à nouveau en garde à vue ce soir". Une référence au regard qu'il avait adressé à un magistrat le mois dernier et qui lui a valu d'être interpellé à son domicile savoyard le 23 mai puis placé en garde à vue et interné en psychiatrie.
"Ils ont trouvé une psychiatre à leur solde qui, avec ses blue jeans troués, m'a dit: +Je subis des pressions de la part du procureur, je vais être obligée d'aller dans son sens+", s'est insurgé l'ancien maoïste de la Gauche prolétarienne.
Se disant "exténué" car n'ayant pas dormi depuis "une semaine", Me Ripert n'en a pas moins livré une plaidoirie de plusieurs heures, en partie sous forme autobiographique.
- 'Ils veulent me faire cramer' -
Il a ainsi narré sa découverte du sentiment d'injustice à l'âge de "5 ans et 3 mois" après une punition par "une maîtresse qui s'était faite juge" puis évoqué ses jeunes années d'"ouvrier avocat" jusqu'à ses récentes suspensions disciplinaires qui "plongent sa famille dans le besoin".
L'ancien défenseur des complices du terroriste Carlos et du gangster Antonio Ferrara a raconté quelques moments de sa carrière et insisté sur sa "modestie" et son "humilité", ce qui a fait sourire même ses plus fidèles défenseurs.
Il s'en est enfin pris aux magistrats grenoblois qui le "persécutent", le "harcèlent", le "torturent psychologiquement" en le suspendant provisoirement depuis quatre mois dans le cadre de cette procédure.
Condamné à trois reprises à des sanctions disciplinaires dans le passé, Me Ripert avait déjà été suspendu pendant un an en 2013 pour avoir qualifié une avocate de "roquet" et dit d'un président de cour d'assises qu'il avait "triché" et "menti".
"C'est professionnellement qu'ils veulent me faire cramer dans l'église de votre cour d'appel", a lancé l'avocat en référence au massacre d'Oradour-sur-Glane de juin 1944.
Un triangle rouge accroché à sa robe, il a comme à son habitude multiplié les références à l'occupation nazie, à Vichy et à la milice.
- 'Aucune inimitié' -
Tout en se disant "très conciliant", il s'en est aussi pris à maintes reprises au procureur général Paul Michel, qui doit prendre sa retraite fin juin. "Il m'a pourri la vie depuis plusieurs années (...) Je vais à mon tour m'attacher à pourrir sa retraire devant les tribunaux", a-t-il dit.
M. Michel a lui assuré n'avoir "aucune inimitié" à l'encontre de Bernard Ripert. "Mais assimiler les procédures disciplinaires aux méthodes barbares et nazies, c'est un véritable scandale", a-t-il lancé.
Le président du Syndicat des avocats de France (SAF, classé à gauche) Florian Borg et le célèbre pénaliste Thierry Lévy sont intervenus à la barre en soutien de Me Ripert. Un homme "aujourd'hui aussi pauvre qu'à sa naissance" à qui "aucun acte malhonnête n'est reproché", a relevé Me Lévy. "L'avocat n'a pas d'autre mission que de troubler les audiences et de gêner le travail des magistrats", a-t-il ajouté.
Onze heures après l'ouverture des débats, le fond de l'affaire n'avait toujours pas été abordé, la défense ayant déposé de multiples demandes de récusation de magistrats et de dépaysement du dossier. La cour a renvoyé le dossier au 9 juin.