Bruxelles veut intervenir dans les contrats de fourniture d'énergie
La Commission européenne doit dévoiler mardi 16 février une série de mesures destinées à renforcer la sécurité en approvisionnement énergétique de l'UE, en particulier dans le domaine du gaz, et veut désormais avoir son mot à dire dans la signature des contrats.
Il y a un peu moins d'un an, fin février 2015, Bruxelles posait les jalons d'une politique communautaire de l'énergie, un secteur stratégique jusque-là chasse gardée des Etats membres.
Encore marquée par les crises entre la Russie et l'Ukraine qui ont illustré les failles dans la livraison de gaz vers l'Europe, l'UE se fixait un objectif: diversifier ses fournisseurs et ses itinéraires de transit. Bruxelles veut maintenant améliorer son arsenal légal.
Une des mesures phares se penche sur les contrats signés par les Etats membres avec des pays hors de l'Union.
Sous la réglementation actuelle, la Commission ne peut que donner son avis qu'après la signature: Bruxelles veut au contraire pouvoir s'exprimer en amont sur la conformité de l'accord avec les objectifs d'indépendance énergétique de l'Union, a expliqué lundi le commissaire européen chargé de l'Energie, Miguel Arias Canete, lors d'une présentation devant le groupe de réflexion Bruegel, basé à Bruxelles.
"Les Etats membres sont souvent incapables de défaire ces accords intergouvernementaux une fois qu'ils sont conclus, même s'ils sont contraires à la loi européenne, car ils sont engagés auprès des pays tiers", a souligné M. Canete, selon une copie de son discours.
Bruxelles veut également pouvoir avoir accès à certains contrats commerciaux, signés entre un Etat membre et un fournisseur privé, dans la mesure où ce contrat se révèle stratégique en matière de sécurité d'approvisionnement et que le fournisseur possède déjà 40% de parts de marché dans l'Etat concerné, a précisé une source européenne.
Cette mesure est perçue comme un moyen pour Bruxelles de limiter l'emprise du géant énergétique Gazprom et de la Russie sur le marché européen.
Mais selon cette même source européenne, la règle pourrait s'appliquer dans de nombreux cas pour de gros fournisseurs, comme la Norvège ou l'Algérie.
Dans le cas de ces contrats commerciaux, "il ne s'agit pas d'essayer de changer le contrat mais d'obtenir des informations, pas des prix mais des éléments pertinents qui affectent la sécurité d'approvisionnement", a précisé cette source.
- Principe de solidarité -
Une autre grande réforme du marché proposée par la Commission est le regroupement des 28 Etats membres en neuf grandes régions au sein desquelles s'appliquerait un principe de solidarité.
En cas de crise énergétique au sein d'un Etat, ses voisins auraient l'obligation de l'aider à fournir en énergie des clients choisis au préalable (des foyers ou entreprises spécifiques, des services d'urgence, etc.).
Au-delà de ces changements dans la réglementation, la Commission doit décliner mercredi deux nouvelles stratégies.
La première concernera l'importation de gaz et l'identification de projets afin de développer de façon homogène au sein de l'UE les infrastructures capables de recevoir et de distribuer du gaz naturel liquéfié, au moment où se profilent de grands changements, notamment avec l'arrivée des Etats-Unis sur le marché.
La seconde s'attaquera aux secteurs du chauffage et de l'air conditionné, les plus énergivores au sein de l'UE: la moitié de la consommation d'énergie européenne --et un peu moins de la moitié de la consommation de gaz de l'UE-- y passe.
Selon les derniers chiffres publiés la semaine dernière par l'office européen de statistiques Eurostat, l'UE a dû importer en 2014 un peu plus de la moitié de l'énergie qu'elle a consommée. Une dépendance relativement constante depuis un pic en 2008.
Le tableau reste très contrasté au sein des 28. Parmi les mastodontes de la consommation d'énergie, le Royaume-Uni (45,5%) et la France (46,1%) étaient les moins dépendants des importations, au contraire de l'Allemagne (61,4%), de l'Espagne (72,9%) et de l'Italie (75,9%).