Au FN, les dissensions pour l'heure occultées par les succès électoraux
Pour les régionales et surtout la présidentielle, le Front national avance groupé derrière le "bulldozer" Marine Le Pen, une progression électorale qui étouffe jusqu'ici les dissensions internes, illustrées par le départ de l'eurodéputé Aymeric Chauprade.
Marine Le Pen, en tête de tous les sondages de premier tour de la présidentielle -elle est régulièrement donnée battue au second-, est un "bulldozer, une machine de guerre", se réjouit l'un de ses amis frontistes.
Sur son chemin vers la présidentielle de 2017, pas une tête ou presque ne dépasse au FN. Celle d'Aymeric Chauprade, eurodéputé un temps l'un de ses principaux conseillers, est tombée lundi, l'intéressé l'ayant lui-même placée sur le billot en annonçant son départ du parti à la surprise générale.
Mais les conflits au FN sont l'exception plutôt que la règle, venant de fortes têtes (Jean-Marie Le Pen est le meilleur exemple), selon les dirigeants du parti. Le départ de M. Chauprade est pour eux l'aboutissement d'un parcours individuel de franc-tireur au sein d'un parti au fonctionnement qu'un de ses dirigeants s'amuse à qualifier de "stalinien, ce qui n'est pas péjoratif".
Pourtant, ce départ incarne un bruit de fond interne. La composition des listes aux régionales a suscité de nombreux remous dans les fédérations du parti, certains doutant de la fidélité des nouveaux convertis parfois trop bien placés à leurs yeux.
Pour figurer sur ces listes, "avoir plus de trois ans de carte est un handicap. Mais le jour où on va se reprendre une taule électorale", les prises de guerre repartiront, anticipe un frontiste encarté avant les succès.
- Difficile de fidéliser -
En Nord-Pas-de-Calais/Picardie, quelques élus frontistes ont par ailleurs assuré avoir été "privés de régionales" pour avoir refusé les kits de campagne vendus par le FN à ses candidats, dont ils jugent les prestations "surévaluées". Ce système, qui suscite des doutes à la base en interne, est au coeur d'une enquête sur le financement du FN.
Les difficultés à fidéliser en interne ne sont pas nouvelles: selon des chiffres de Libération, plus de 10% des conseillers municipaux élus en 2014 ont quitté le FN, une majorité d'entre eux restant conseillers municipaux, les autres quittant le parti mais aussi leur mandat.
L'appareil du parti est en effet soumis à de vives sollicitations et croît moins vite que les résultats du parti, selon un dirigeant. "On n'a pas aujourd'hui la structure, les équipes, les talents, etc., pour 2017", concède-t-il.
La place prise par Florian Philippot auprès de Mme Le Pen est aussi critiquée sous couvert d'anonymat. Celle-ci a récemment opéré un rééquilibrage interne au détriment de M. Philippot, assurent quelques sources. "Elle sait qu'elle est la chef", balaie M. Philippot.
Cela renvoie à des oppositions de fond: la ligne économique du parti est aussi régulièrement accusée d'être sous influence de M. Philippot, "trop à gauche", pour pouvoir réunir 50% de voix plus une en 2017, malgré de récents signaux de Marine Le Pen en faveur des milieux économiques.
Sortir de l'euro, la mesure centrale du programme frontiste, fait parfois peur en interne. "Au lendemain des régionales se posera sans doute ce sujet crucial pour 2017", affirme un parlementaire frontiste.
Mais, paradoxalement, le départ de M. Chauprade, qui revendiquait des nuances par rapport à la ligne officielle FN, peut aussi faciliter les choses pour Marine Le Pen (et pour M. Philippot).
Ceux qui se classent plus à droite en économie et sur les questions sociales en se plaçant sous la houlette de la députée du Vaucluse Marion Maréchal-Le Pen perdent un important représentant. "Ça a été un choc pour Marion, elle aime beaucoup Aymeric", reconnaît un de ses soutiens, pour qui "elle perd un allié interne".
Et si certains pronostiquent une libération de la parole pour l'après-régionales (les conseillers régionaux auront été élus pour six ans), une double victoire en Nord-Pas-de-Calais-Picardie et en Paca pourrait maintenir, jusqu'en 2017, l'unité interne.