Esprit critique
« Toutes les bonnes choses ont une fin » dit un célèbre proverbe. Quand Disney a annoncé cet automne qu’il y aurait une quatrième trilogie Star Wars, notre intérêt pour Les Derniers Jedi, huitième volet de la saga étoilée (hors spin-offs) et deuxième film du troisième tryptique, s’est un peu émoussé. Non pas que l’annonce de la maison mère de Lucasfilm soit une surprise – on voyait mal ce géant du divertissement renoncer à une telle machine à cash – mais concevoir le monde créé par Lucas comme un univers en constante expansion a quelque chose d’épuisant (du moins quand on n’est pas un fan hardcore).
C’est donc un poil démotivé qu’on s’est rendu à la projection presse lundi 11 décembre (séance assortie d’un embargo critique jusqu’au mardi 12, 18 heures et une minute, allez savoir pourquoi), pour découvrir la suite du superbe épisode 7. Signé J.J. Abrams, Le Réveil de la Force réussissait l’exploit d’être une parfaite madeleine, sans abuser de notre inclinaison morbide pour la nostalgie. D'ailleurs, il s'agit à notre humble avis du meilleur Star Wars à ce jour et on voyait mal comment Rian Johnson, réalisateur peut-être un poil surestimé depuis Looper, allait pouvoir maintenir le niveau.
Les Dernier Jedi débute là où Le Réveil de la Force s’est arrêté. La république est à bout de souffle, mais résiste tant bien que mal, Kylo Ren poursuit son voyage au bout du côté obscur de la Force et Rey, l’orpheline, a retrouvé Luke Skywalker, qui ressemble désormais à un drôle de mélange d’Obi-Wan et de Yoda. Voilà pour le décor, rien de plus ou presque de l’intrigue on ne dira, pour spoiler ne pas...
De toute façon résumer Les Derniers Jedi serait une bien amitieuse entreprise, vu la quantité de pistes explorées sur plus de 2h30 – ce qui en fait le plus long de tous les Star Wars (trop long au goût de Mark Hamill, parole de Jedi). Contraint d'accorder du temps à tous ses personnages, Rian Johnson multiplie les pistes et les digressions, donnant notamment le sentiment de ne pas savoir quoi faire des nouveaux venus (mention spéciale à Benicio Del Toro).
Star Wars 8 est un film incontestablement généreux – en action et en rebondissements – mais il paie parfois cette générosité au prix d’un certain ridicule, dans son intensité mal placée (le recours à un gag ou une boutade pour désamorcer la tension devenant systématique), comme dans son bestiaire enfantin (destiné à remplir les rayons des supermarchés de jouets et de doudous). Et que dire de ce môme aux airs de Gavroche réduit à l’état d’esclave sur une lointaine planète casino ? Les Misérables, ça fait quand même beaucoup.
Pourquoi s’accroche-t-on malgré tout ? D'une part parce que le film est ponctué de suffisamment de morceaux de bravoure (combats de sabres laser, batailles spatiales, appels à la Force et autres figures imposées qui font le sel du genre). D'autre part parce qu’il opère un début de renversement. Dans une des plus belles scènes du film, Kylo Ren, qui cherche désespérant à se défaire des liens de filiation, tente de se faire un allié d'un personnage à la recherche des siens. Il est temps de renverser l'ordre ancien, lui expique-il. Qu’elle réussisse ou non, sa tentative fait souffler un vent de révolte sur le space opera.