Ce passif qui a mené les Français à rejeter la droite et la gauche (et ça ne passe plus)
A ce stade, ni le candidat néogaulliste, ni le candidat socialiste ne semblent en mesure de pouvoir se qualifier pour le second tour. Les Français semblent avoir, en effet, envie d' "essayer autre chose".
On voit bien qu'une partie d'entre eux ne croit plus vraiment en la capacité de la droite et de la gauche à pouvoir véritablement faire bouger les choses dans le bon sens. Ils se disent que, quoi qu'il en soit, les promesses faites par ces candidats ne seront pas tenues, que la politique qu'ils mèneraient serait au fond toujours plus ou moins la même que celle qui a été menée depuis plusieurs décennies maintenant et qui a largement échoué, qu'elle ne produira pas plus de résultats, en particulier sur le front du chômage, et qu'au final, ils ont plus à perdre qu'à gagner face aux réformes proposées.
Les Français sont semble-t-il nombreux à ne plus rien attendre d'une alternance classique droite-gauche, comme en témoignent l'impopularité de François Hollande au terme de son quinquennat ou la faible attractivité des campagnes de François Fillon ou de Benoît Hamon. Alors, pourquoi pas la grande alternative avec Macron ou même Le Pen...
Première attente déçue, les outils traditionnels de la politique économique ne parviennent plus à enrayer le fléau du chômage.
Ceci s'explique par le fait que les attentes étaient très fortes et qu'elles ont été déçues. Première attente déçue, à partir des années 1970, les outils traditionnels de la politique économique –les politiques keynésiennes– ne parviennent plus à enrayer le fléau du chômage, la principale préoccupation des Français, et les différents gouvernements deviennent largement impuissants face au chômage de masse qui devient structurel.
Suite au ralentissement économique provoqué par le choc pétrolier de 1973, le gouvernement de Jacques Chirac décide ainsi en 1975 de relancer la demande des ménages et l'investissement des entreprises. Mais le plan Chirac ne parvient pas à limiter la progression du chômage. En 1981-1982, le plan de relance de la gauche au pouvoir se soldera par un même échec. Le 14 juillet 1993, après douze années au pouvoir, François Mitterrand va même jusqu'à concéder dans le traditionnel entretien télévisé accordé par le président de la République lors de la fête nationale qu' "en matière de lutte contre le chômage, on a tout essayé".
Seconde attente déçue, une fois au pouvoir, la politique menée par la droite ou la gauche ne correspond pas toujours aux promesses de campagne et apparaît même souvent à l'opposé de ce qui avait été annoncé.
Le 14 juillet 1993, François Mitterrand va jusqu'à concéder qu' "en matière de lutte contre le chômage, on a tout essayé".
La gauche arrive ainsi au pouvoir en 1981 avec l'ambition de rompre avec le système capitaliste. Or, en 1983-1984, le pouvoir opère un tournant majeur avec la mise en œuvre d'une politique de rigueur budgétaire, de lutte contre l'inflation et du franc fort. La gauche, arrivée au pouvoir pour rompre avec le capitalisme, va dès lors devenir un acteur majeur de la libéralisation de l'économie à l'échelon français, avec la politique menée par Pierre Bérégovoy au ministère de l'Economie, ou à l'échelle européenne avec Jacques Delors, le président de la Commission de 1985 à 1994, qui sera à l'origine du Marché unique et qui jouera également un grand rôle dans l'élaboration du traité de Maastricht prévoyant notamment l'instauration d'une monnaie unique.
De même, quelques semaines seulement après son accession à l'Elysée en 1995 sur la base de la promesse de réduire la "fracture sociale", Jacques Chirac opère aussi un virage à 180° en appliquant une politique d'austérité budgétaire pour préparer l'entrée de la France dans l'Union économique et monétaire (UEM). C'est ce qui a été également reproché à François Hollande qui a opéré un tournant social-libéral à partir de 2013-2014. Celui-ci ne faisait pas partie de ses promesses de campagne et s'est traduit par l'adoption du Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), et des lois Macron ou El Khomri sur le travail.
Autre attente déçue, une fois au pouvoir, la politique menée par la droite ou la gauche ne correspond pas toujours aux promesses de campagne.
Troisième attente déçue, une fois au pouvoir, les gouvernants tournent souvent le dos au volontarisme politique affirmé tout au long de leur campagne électorale et finissent par renoncer à mettre en œuvre un certain nombre des réformes annoncées ou alors ces réformes conduisent à un échec.
Les importantes réformes mises en place par la gauche au pouvoir en 1981-1982 ou par la droite en 1986-1988 ont abouti à un échec économique et/ou électoral. En 1995, le gouvernement Juppé propose un vaste plan de réforme de la Sécurité sociale et une réforme des régimes spéciaux de retraite, qui provoquent un important mouvement de grève bloquant le pays pendant trois semaines. Le gouvernement finit par renoncer à ces projets. Le président Chirac dissout l'Assemblée nationale en 1997 et perd les législatives. Dans une période plus récente, même si Nicolas Sarkozy expliquait durant la campagne de 2007 qu'il serait prêt à aller chercher la croissance avec les dents s'il le fallait, il a largement déçu ses partisans en ne remettant pas en cause les 35 heures, l'ISF, la "rigidité" du marché du travail ou en ne réduisant pas les dépenses publiques. Il en a été de même pour François Hollande, qui avait fait de la finance son adversaire, qui n'a pas pu renégocier les traités européens, notamment le traité budgétaire européen, ce qu'il s'était pourtant engagé à faire durant sa campagne, ou mettre en place comme il le souhaitait son projet phare de taxe à 75%.
En 1999, Lionel Jospin, premier ministre, récusait l'idée "que l'on puisse administrer désormais l'économie" et admettait que l'on ne peut pas "attendre tout de l'État".
Quatrième attente déçue, les Français tendent à refuser d'admettre que l'Etat ne peut pas tout, notamment face au secteur privé, et que l'intérêt général doit quelquefois s'effacer devant les intérêts particuliers.
Cela fut le cas en 1999 lorsque Lionel Jospin, alors premier ministre, a affirmé dans un entretien télévisé au moment de l'affaire Michelin en 1999 qu'il excluait de revenir sur la décision de l'entreprise, celle-ci annonçant simultanément des fermetures d'usines et des bénéfices en hausse. Plus largement, il récusait l'idée "que l'on puisse administrer désormais l'économie" et admettait que l'on ne peut pas "attendre tout de l'État ou du gouvernement".
Dans une période plus récente, Gandrange durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy et Florange durant celui de François Hollande sont devenus des symboles de ce qui est perçu comme l'impuissance du politique et de l'Etat face à la désindustrialisation, à la concurrence des économies émergentes ou aux entreprises multinationales.
Cinquième attente déçue, une large partie des Français a été amenée à penser que les pouvoirs publics et les autorités de régulation arbitraient systématiquement en faveur des intérêts économiques au détriment de ceux de la société et notamment de la santé des individus.
L'affaire du sang contaminé, qui est révélée en 1991, est sans aucun doute de ce point de vue le premier scandale à avoir instillé un sérieux doute aux yeux des Français sur l'impartialité de l'Etat censé garantir l'intérêt général. Des produits sanguins, dont certains contaminés par le virus du SIDA, ont été sciemment distribués à des hémophiles alors que les autorités françaises refusent d'importer du sang de l'étranger, notamment pour des raisons économiques et financières. Près de 600 personnes en ont été victimes en 1984-1985, dont une grande majorité est décédée. Cette affaire fait écho à d'autres scandales du même type, du "nuage de Tchernobyl" au Mediator, en passant par l'amiante, l'hormone de croissance ou la "vache folle".
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