"Et pourquoi pas": Le président français peut-il prendre un décret anti-immigration comme Donald Trump?
PRESIDENTIELLE 2017 - "Et pourquoi pas?", a répondu sur le ton de la boutade le vice-président du FN Steeve Briois. Interrogé pour savoir si le parti d'extrême droite pourrait s'inspirer du décret américain de Donald Trump interdisant temporairement l'entrée aux Etats-Unis de ressortissants de certains pays à majorité musulmane, ce membre de l'équipe de campagne de Marine Le Pen développe: "On n'est plus dans le monde des bisounours. On est dans un monde horrible, donc de temps en temps il faut prendre aussi des mesures d'autorité, quitte à choquer".
Pourquoi pas? Encore faut-il que ce soit légalement possible en France. Jamais des mesures d'interdiction frappant des nations entières n'ont été prises dans l'histoire récente du pays. Et si cela devait arriver, il faudrait un peu plus qu'un décret présidentiel pour les instaurer.
Pas d'équivalent de "l'ordre exécutif"
Pour imposer son "Muslim ban", Donald Trump a eu recours à ce que l'on nomme aux Etats-Unis des "executive orders". Ces directives écrites de la main du président existent depuis l'indépendance américaine. Ce sont des instructions adressées aux agences fédérales visant à orienter la manière dont les lois (votées par le Congrès) doivent être appliquées. Outre-Atlantique, la dimension discrétionnaire de ces décrets est largement tolérée, au point de leur conférer (parfois) force de loi. Ils peuvent toutefois être contestés en justice et invalidés si anticonstitutionnels ou manifestement contraires aux lois fédérales.
L'executive order 9066 pris en 1942 par Franklin Roosevelt est resté célèbre puisqu'il autorisa l'enfermement arbitraire de certains groupes ethniques, notamment des Japonais résidant aux Etats-Unis, dans des camps de concentration pour éviter le risque d'espionnage.
En France, le président de la République dispose bien d'une marge de manoeuvre exécutive, parfois discrétionnaire, pour orienter la manière dont les lois s'appliquent sur le territoire. Parmi les plus emblématiques, le décret de grâce récemment accordé à Jacqueline Sauvage. Mais ce droit est beaucoup plus restreint qu'aux Etats-Unis et n'a que rarement force de loi. Dans tous les cas, il ne permettrait pas le "black out migratoire" décrété par Donald Trump.
Instruction orales et circulaires opaques
Un simple décret bannissant des populations entières serait jugé contraire au principe d'égalité garanti par la Constitution et par la Convention européenne des droits de l'homme, estime François Gemenne. Pour ce chercheur spécialisé sur les questions de gouvernance mondiale des migrations, un simple recours devant le Conseil d'Etat suffirait à invalider le dit décret.
A l'en croire, il existerait en revanche d'autres moyens pour restreindre l'accès au sol français. "Le président de la République peut donner des instructions orales au ministère de l'Intérieur qui lui-même peut rédiger des circulaires qui n'ont pas vocation à être rendues publiques. Une méthode plus discrète et plus opaque, donc plus difficile à contester", estime le chercheur.
Ce dernier rappelle que les règles régissant la politique d'immigration française ne sont déjà pas des plus transparentes, ce qui facilite les mesures discrétionnaires.
L'article 16 et les pouvoirs illimités?
Une autre option, parfaitement constitutionnelle, est toutefois possible: si les pouvoirs exceptionnels prévus à l'article 16 de la Constitution sont accordés au président de la République. Dans ce cas, les pouvoirs de l'exécutif deviennent sans limite pour une durée de 30 jours. Les actes législatifs pris par le président pendant sa mise en œuvre ne font l'objet d'aucun contrôle juridictionnel, même s'ils violent manifestement les libertés fondamentales.
Les circonstances doivent toutefois être exceptionnellement graves (menace sur les institutions de la République, l'indépendance de la Nation ou l'intégrité de son territoire) pour justifier ce que les constitutionnalistes considèrent comme une forme de dictature légale.
Toute la question est de savoir ce qui constituera, aux yeux du prochain président de la République, une atteinte manifeste à l'intégrité du territoire. Steve Briois a d'ores et déjà prévenu: "On est dans un monde horrible, donc de temps en temps il faut prendre aussi des mesures d'autorité, quitte à choquer".
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