Parcours historique en Euroligue, origines... Les confidences de Rachid Meziane, le coach clermontois de Villeneuve-d'Ascq
Rachid Méziane, 44 ans, natif de Clermont, et entraîneur de Villeneuve-d'Ascq vient de réaliser un exploit plus réalisé par un club français de basket-ball depuis 20 ans : atteindre la finale de l'Euroligue féminine. Entretien.
Rachid, un retour sur la performance accomplie par votre équipe de Villeneuve-d'Ascq, lors du Final Four d'Eurolique féminine, disputée le week-end dernier à Mersin (Turquie) avec cette place de finaliste et cette défaite face à Fenerbahçe (106-73) ?
Il a quand même fallu quelques jours pour pouvoir prendre du recul et pouvoir être fier de cette performance. Parce qu'elle n'avait pas été réalisée depuis 20 ans (Valenciennes, 2004, NDLR), en tout cas pour un club français. Il y a ce sentiment, aujourd'hui, vraiment, de fierté et d'avoir accompli quelque chose de grand. Ce n'est pas un trophée qu'on ramène, mais grand quand même, c'est une belle médaille d'argent sur la compétition de clubs la plus prestigieuse au monde. Surtout avec le statut qu'on avait d'outsider et même de Petit Poucet. Performance qui vient bien sûr récompenser tout le travail, la persévérance, que ce soit d'une équipe de joueuses et d'un coach.
Par rapport au titre de champion d'Europe conquis l'été dernier, avec la sélection nationale de Belgique, vous la situez-où cette performance ?
On parle d'un trophée d'un côté et d'une médaille d'argent de l'autre. Donc forcément... Un trophée, c'est quelque chose de plus magique encore, et de plus unique. Après, ce sont des contextes différents, en équipe nationale, ce sont des préparations plus courtes, même si ça ne veut pas dire qu'elles soient bâclées, alors que l'Euroligue, c'est l'aboutissement de toute une saison, de plusieurs mois de travail, puisqu'on y est depuis le mois de septembre dernier. Ce sont des choses très difficiles à comparer. Mais deux belles choses, deux magnifiques choses.
Une incidence sur la fin de saison, en championnat de France, cette fois ?Je pense aussi que cette deuxième place, elle vient générer un supplément de motivation sur la fin de la saison. Si on avait été champions, je pense que ça nous aurait galvanisés et on aurait sûrement capitalisé sur ce trophée pour bien finir la saison. Mais cette deuxième place, elle a créé un peu de frustration chez nous : on n'a pas fait le match qu'on voulait faire en finale alors qu'on a fait un excellent match contre Prague. Or, après avoir voyagé ce lundi et après un mardi consacré au repos et aux sollicitations des partenaires publics comme privés, lorsqu'on a repris l'entraînement, ce mercredi matin, j'ai vu dans les attitudes, déjà, un supplément d'énergie pour tout faire pour ne pas passer à côté du trophée de championnat de France.
En se projetant un peu, avant même la fin de cette saison-ci : ce groupe, avec lequel il peut être intéressant de travailler encore pour l'amener encore plus loin, s'est mis en lumière avec ce Final Four européen. Un danger pour l'intersaison ?
Notre intersaison, elle est déjà perturbée depuis longtemps, puisque malheureusement, dans le basket féminin, on a des campagnes de recrutement qui démarrent très tôt, au mois de janvier, on a déjà des joueuses qui sont sollicitées pour aller rejoindre d'autres écuries en France ou en Europe. Généralement, on fait une deuxième partie de saison en sachant déjà qu'on a des joueuses qui ne seront pas là l'année prochaine.
Donc là, oui, j'imagine que les résultats obtenus sur le tournoi peuvent encore provoquer ce genre de turbulences, mais nous, nos objectifs principaux ont toujours été installés sur le championnat donc ce qui nous est arrivé en Euroligue, c'est tout ce qu'on veut, mais ça n'est pas venu nous détourner de ces objectifs principaux : le championnat de France en allant chercher la première place de la saison régulière pour obtenir l'avantage du terrain sur les finales et donc augmenter nos chances de devenir champion. Après, le succès fait que les joueuses sont sollicitées par des gros clubs et des projets sportifs et financiers. Sportifs, on a prouvé qu'on était compétitifs à jouer au plus haut niveau, mais sur les projets financiers, forcément, il y a des choses qui sont bien plus alléchantes aujourd'hui sur la table.
Un coach finaliste de l'Euroligue, ça apprend encore ?
Bien sûr. Heureusement. Je me qualifie comme quelqu'un qui veut apprendre tous les jours. Pas plus tard que cet après-midi de mercredi, j'étais au téléphone avec Guillaume Vizade (coach de la JA Vichy, Pro B), avec lequel j'ai travaillé après avoir été son adversaire (sourire) et avec qui on est presque comme des frères : on échange très régulièrement sur les nouvelles tendances du jeu, je suis quand même assez curieux, comme lui l'est. En fait, tous les jours, on essaie d'apprendre sur notre métier, pour devenir un peu plus expert dans notre fonction de coach et au niveau technico-tactique ou autres. Il existe tellement de leviers aujourd'hui. On peut parler de préparation mentale pour essayer de comprendre un peu plus le sportif et essayer d'en tirer la plus belle des quintessences. Je me sers de chaque histoire de match pour pouvoir apprendre sur moi-même, sur mes joueuses, sur mon collectif, sur tout ce qu'on peut mettre dans le jeu.
"Notre leitmotiv, cette année, avec mon équipe, ça a été de chaque jour être une meilleure version de nous-même, individuellement comme collectivement. Pour ça, ça demande de la remise en cause, de l'analyse, de l'introspection."
On apprend à voir des individus dans des contextes différents tous les jours. Donc j'ai vu en Turquie des joueuses avec un comportement nouveau, dans un environnement tout neuf aussi. C'était en tout cas, pour 70 % de mon effectif, la première fois qu'elles découvraient la saison régulière d'Euroligue, et pour 95 % de l'effectif, la première fois qu'on accédait à un quart de finale et au Final Four. Pour moi aussi, même si j'ai déjà été champion d'Europe avec la sélection nationale belge, participé à deux Jeux olympiques et 4 championnats d'Europe en tant qu'assistant avec l'équipe de France, j'ai encore appris sur moi en coachant cette finale-là.
Des trophées, cependant, à titre personnel, vous en avez déjà deux...
J’ai eu la chance d’obtenir les distinctions de coach de l’année de Ligue féminine et d’Euroligue. Parce qu’elles n’auraient pas la même saveur sans cela, j’en profite pour rendre hommage à toutes les personnes sur Clermont, qui m’ont inspiré, avec un clin d’œil à Jean-Marie Deganis, qui m’a mis le pied à l’étrier dans l’entraînement, et merci pour tous les partages d’expérience que je peux avoir aujourd’hui encore avec, emblématiques ou pas, des coachs et joueuses de Clermont.
Clermont, dans ce parcours-là, n'est donc pas loin ?Bien au contraire ! Et je me fais un point d'honneur à rester authentique. Je n'oublierai jamais d'où je viens et les personnes qui m'ont inspiré comme celles qui m'ont accompagné dans ma "petite" carrière. Je suis resté très fidèle à mes valeurs clermontoises et aux gens que j'ai côtoyés déjà à l'époque, avec lesquels je suis toujours en contact. Et souvent, on finit nos petits messages par "63 for ever" (sourire). Non, Clermont-Ferrand, ma ville natale, n'est jamais vraiment loin, peu importe où on est en Europe ou même sur le globe. Il est facile peut-être avec le temps d'oublier, mais je ne suis pas cette personne-là, je ne veux pas oublier mon histoire.Propos recueillis par Jean-Philippe Béal