La race montbéliarde déjà chez elle en Mongolie, pays à l'honneur du Sommet de l'élevage de Clermont-Ferrand
Alors que la Mongolie est largement dépendante des importations pour satisfaire sa consommation de lait, l’introduction réussie de la race montbéliarde ouvre des perspectives d’auto- suffisance grâce à la création de structures coopératives originales : les calastres.
À une heure au nord d’Oulan Bator, le site de la coopérative Nuudelchin agro farm (NAF) est posé à quelques mètres en contrebas de la route rectiligne qui fend la steppe. Chacune des dix maisons identiques aux toits arrondis en tôle ondulée verte est flanquée d’un bâtiment d’élevage isolé en mousse expansée, pour affronter des températures qui peuvent descendre à -40° C en hiver.
"Nous avons importé les premières en 2013"En ce mois de juin, la plupart des animaux évoluent en liberté dans un immense terrain de jeu qui s’étend à perte de vue. Ici, la montbéliarde est dans son élément. « Nous avons importé les premières en 2013 et elles se sont parfaitement acclimatées, souligne Battugs Jadamba, le directeur de la coopérative. Nous sommes sur une production de 4.000 litres par an et par vache, quand nous n’arrivions même pas à atteindre les 1.000 litres avec nos races locales. »
La coopérative, financée et soutenue par le ministre de l’Agriculture, fait figure de modèle à suivre en Mongolie. Elle compte aujourd’hui trois sites, tous situés à proximité de la capitale, dans la fameuse zone agricole spéciale qui couvre 2 % du territoire national.
"Une mise de départ de 120.000 euros"Les sites fonctionnent tous sur le même principe. Chaque famille se voit attribuer dix hectares de terres à cultiver, en plus des pâtures, pour élever 40 montbéliardes. La mise de départ est de 120.000 euros. « Mais l’État accorde des prêts avec un taux d’intérêt préférentiel de 3 % au lieu de 8 %, amortissable en six ans », précise Battugs Jadamba.Les producteurs sont rémunérés entre 50 et 60 centimes d'euro le litre et bénéficient d'une prime supplémentaire de 25 centimes l'hiver. Un volontarisme étatique qui s’explique simplement. « Nos besoins pour la consommation interne sont, en théorie, de 400 millions de litres par an. Aujourd’hui, nous ne produisons que 100 millions et en importons 100 autres. Nous avons volontairement institué des quotas pour limiter les importations afin d’éviter que le marché ne s’effondre et que nos éleveurs ne soient plus compétitifs », enchaîne le directeur de NAF. De fait, les producteurs locaux sont protégés. Ils sont rémunérés entre 50 et 60 centimes d’euro le litre en moyenne, et bénéficient d’une prime supplémentaire de 25 centimes l’hiver, quand la production baisse.
Entre 600 et 900 litres par anCe type de structure, appelé calastre, est appelé à être dupliqué dans la zone agricole. « Notre problématique est la suivante : nous comptons aujourd’hui quatre millions de vaches réparties sur tout le territoire qui produisent entre 600 et 900 litres par an. Mais en raison des distances, il n’est pas possible de collecter le lait pour le ramener dans les grandes villes. Les nomades le transforment en fromages destinés essentiellement à leur consommation personnelle. Nous souhaitons convertir les nomades en fermiers avec des vaches à haut potentiel de production. De toute façon, les nomades, qui se trouvent dans la zone agricole, devront soit passer à l’élevage intensif, soit payer des taxes pour rester », tranche Battugs Jadamba.
Les effets du changement climatiquePour accélérer ce virage vers un élevage plus intensif, les autorités ont annoncé l’achat de 100.000 bovins, dont 50.000 laitières. La race montbéliarde est bien partie pour rafler une bonne part de ce gros marché. Un contrat de 460 génisses a déjà été négocié et financé par un prêt de BPI France. La venue de la délégation mongole au Sommet de l’élevage devrait faciliter de nouveaux contacts.Une délégation du Sommet de l'élevage s'est rendue en Mongolie en juin pour visiter différents élevages dans la région d'Oulan Bator. Jangar Gombojav, qui s’est installé il y a deux ans dans ce calastre du nord d’Oulan Bator, ne tarit pas d’éloges sur les quinze montbéliardes qu’il possède actuellement. Si l’objectif de monter progressivement à quarante laitières n’est pas remis en cause, le nouvel éleveur s’inquiète tout de même des effets du changement climatique.
« Les sécheresses sont beaucoup plus fréquentes que pendant mon enfance. Et quand nous n’avons pas de fourrages, nous sommes obligés d’en importer de Russie ou de Chine. Ce qui fait que nos coûts de production varient beaucoup d’une année sur l’autre », s’alarme-t-il.
Dominique Diogon