Danse d'amour entre les conservateurs européens du PPE et le PiS polonais
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Rencontre entre le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki et le Président de la Commission, Jean-Claude Juncker, en janvierLes conservateurs allemands sont prêts à vendre leur âme au diable afin de conserver le contrôle qu’ils exercent sur l’Union européenne depuis près de 15 ans. Selon nos informations, la CDU-CSU, le parti de la chancelière Angela Merkel, est à la manœuvre pour faire adhérer au PPE (Parti populaire européen) ou au moins au groupe politique PPE au Parlement européen, leurs relais d’influence dans les institutions communautaires, Droit et Justice (PiS), le parti de Jaroslaw Kaczynski au pouvoir en Pologne. Afin de faciliter ce rapprochement, Jean-Claude Juncker, l’actuel président PPE de la Commission et son âme damnée, l’Allemand Martin Selmayr, secrétaire général de l’exécutif européen et proche de la CDU, veulent abandonner les poursuites engagées contre la Pologne accusée de violer gravement l’Etat de droit… Si cette adhésion se réalisait, le PiS rejoindrait sur les bancs du PPE le Fidesz du Hongrois Viktor Orban, ce qui accentuerait la dérive droitière et eurosceptique du PPE qui fut longtemps démocrate-chrétien et fédéraliste européen.Le PiS à la manoeuvre
C’est le PiS qui a entamé les travaux d’approche depuis quelques mois. Avec le départ programmé des conservateurs britanniques, fin mars 2019, le groupe de l’ECR (Conservateurs et réformateurs européens) dans lequel ils siègent ensemble, va voir ses effectifs fondre et il y a peu de chance qu’il demeure le troisième groupe politique du Parlement (sur huit). Or siéger dans un groupe marginal, surtout pour un parti de gouvernement, c’est la certitude de n’avoir aucune influence. Le Brexit va aussi renforcer l’isolement du PiS au sein du Conseil des ministres et surtout du Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement. Le PiS a pu toucher du doigt le prix à payer lorsqu’on n’appartient à aucune famille politique européenne. Alors que Viktor Orban peut se permettre d’instaurer dans l’indifférence générale des institutions européenne une démocrature dans son pays, le PPE ayant à cœur de protéger les siens, le PiS s’est retrouvé mis en accusation par la Commission, celle-ci l’accusant de violer l’État de droit en plaçant sous sa coupe le système judiciaire : le 20 décembre 2017, elle n’a pas hésité à dégainer pour la première fois l’arme lourde de l’article 7 du traité sur l’Union qui peut aboutir à priver le pays de son droit de vote au sein de l’Union… Rejoindre le PPE est donc l’assurance pour le PiS de trouver un répi. Mais ce rapprochement ne serait pas possible sans l’affaiblissement de Jaroslax Kaczynski, le leader du PiS et vrai patron de la Pologne, hospitalisé pendant un mois et qui vient de sortir de l’hôpital. Selon de multiples sources européennes, sa santé s’est considérablement dégradée. Or, par son europhobie quasi-pavlovienne, c’est la principale hypothèque à une relative « normalisation » du PiS. La danse d’amour entre le PPE et le PiS indiquerait donc que l’après-Kaczynski a commencé…Des Allemands très réceptifsCes appels du pied appuyés du PiS rencontrent un écho très favorable parmi les chrétiens-démocrates allemands. Ainsi, l’Allemand Manfred Weber, membre de la très à droite CSU bavaroise et patron du groupe PPE, s’inquiète des pertes que son groupe ne manquera pas d’enregistrer en mai 2019 (selon les sondages, il passerait de 219 députés à environ 180), même s’il restera sans doute le premier du Parlement. De fait, le parti populaire espagnol, le plus fidèle soutien de la CDU-CSU, vient de perdre le pouvoir et devrait se faire étriller (17 députés actuellement), tout comme Forza Italia (11), LR (20) ou encore la Plateforme civique polonaise, le parti de Donald Tusk, l’actuel président du conseil européen (22). Dès lors une adhésion du PiS pourrait permettre de limiter la casse, même s’il traverse actuellement un trou d’air dans les sondages. La perte de PO, elle aussi bien mal en point, serait largement compensé par l’arrivée du PiS, qui plus est un parti au pouvoir qui sera sans doute reconduit lors des prochaines élections. Manfred Weber espère surtout qu’une telle adhésion sécurisera définitivement sa candidature comme tête de liste du PPE (le PiS n’ayant alors rien à lui refuser) et donc comme probable président de la Commission. En effet, le système des Spitzenkandidaten, inauguré en 2014 avec le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, garantie à la tête de la liste arrivée en tête aux Européennes qu’il prendra les rênes de l’exécutif européen.Martin Selmayr joue sa survieCette manoeuvre est aussi dans l’intérêt de l’Allemand Martin Selmayr, le vrai patron de la Commission, Juncker n’étant plus que l’apparence du pouvoir. Après sa promotion très contestée au poste de secrétaire général, il cherche à sécuriser sa place. C’est donc pour complaire à Manfred Weber, qui serait alors son obligé comme président de la Commission, qu’il a essayé, la semaine dernière, de lever la procédure de l’article 7 contre la Pologne, celle-ci étant un empêchement dirimant à toute adhésion au PPE. Il s’est pour l’instant à un front uni des commissaires socio-démocrates et libéraux, une première, lui qui a toujours réussi à imposer ses vues. Mais Selmayr n’a pas dit son dernier mot, d’autant que le PPE est majoritaire au sein du collège des commissaires.Cela étant, au sein même du PPE, la perspective d’une adhésion du PiS, passe très mal. Il y a deux semaines, lors d’une réunion du groupe, une majorité de délégations nationales (dont la Française et la Néerlandaise) ont fait savoir à Weber qu’il s’agirait d’un cassus belli, ce qui a quelque peu refroidi son enthousiasme. Pour ces élus, le PPE y perdrait le peu de ce qui reste de son âme europhile. Cela étant, à l’approche des élections, et face à la perspective d’un groupe En Marche conséquent qui pourrait s’allier aux socio-démocrates et aux Verts pour s’emparer de la Commission et des postes de pouvoir au Parlement, il est loin d’être exclu que le principe de réalité ne pousse les conservateurs à accepter parmi eux le PiS. Au final, ce seront les Allemands qui décideront, comme toujours. N.B.: Manfred Weber a démenti notre article dans un tweet du 15 juin : «Nous démentons formellement. Il n’y a ni aspiration à faire entrer le PiS au ni discussions à ce sujet. Le soutient pleinement la procédure lancée par la à l’encontre du gouvernement polonais». Il s’est aussi fendu d’un article dans L’Opinion pour dénoncer la loi imposant aux juges constitutionnels un âge limite. Néanmoins, je maintiens l’ensemble de mes informations. Des contacts ont bien eu lieu et la Commission a bien cherché à laisser tomber l’article 7.N.B. 2: Article paru dans Libération du 2 juin