Un jeune majeur condamné pour avoir filmé le lynchage d'un adolescent à Brive

C’est un réflexe, qui a envahi notre quotidien. Filmer, immortaliser l’instant présent avec nos téléphones portables, pour partager avec nos amis des moments d'émotion, du rire à la colère. Ce mercredi 22 mai, à Brive, le tribunal judiciaire, où l’on peut observer les déviances de notre société, devait juger Lakhdar Mansar, 19 ans, poursuivi pour complicité de violences préméditées commises en réunion. Quelques jours plus tôt, il avait conduit deux complices et la victime sur le lieu de l’agression et avait filmé la scène.

Une agression préméditée

Ce jeudi 16 mai dans la soirée, avec deux comparses mineurs, ils avaient récupéré l’adolescent victime, âgé de 14 ans, à son domicile dans le but de « régler un différend ». « Je croyais qu’on allait s’expliquer, tête contre tête. Je leur avais dit “pas de trucs bizarres” », a naïvement expliqué à l’audience l’adolescent agressé, lui aussi inscrit dans une démarche de règlement de compte.

L’adversaire qu’il devait affronter en duel, lors de cette application locale de la loi du talion, avait lui-même été victime, une semaine plus tôt, d’une agression à l’arme blanche, dans la discothèque du VIP. Il reprochait à l’adolescent d’avoir simplement souri lors de cette première l’agression. Il fallait donc, ce jeudi, régler les comptes. Mais une fois dans la voiture, le jeune de 14 ans avait d’abord été ligoté avec du fil de fer, avant d’essuyer une première série de coups. Puis, arrivé sur les hauteurs de Brive, près d’un bois, il était passé à tabac. Un lynchage que Lakhdar Mansar avait pour mission d’immortaliser.

Quatre vidéos d'une violence absolue

Quatre vidéos de violence gratuite ont été tournées et diffusées. Par respect pour la dignité de la victime qui, après un déluge de coups de poing et de pied au niveau de la tête, a été dénudée par ses agresseurs, une seule captation a été montrée à l’audience. Elle montrait la victime en boule se protéger des coups qui pleuvaient sans discontinuer. « Écartez-vous de la voiture », demandait l’auteur du film, comme un réalisateur guidant ses acteurs. Présente à l’audience, la mère de la victime quittera la salle à la vue de ces images.

Le prévenu déconnecté du réel

Tête basse, comme un élève qui sait qu’il va être puni, le prévenu a été incapable de dire pourquoi il filmait ce jour-là. « Je n’ai aucune idée. J’étais inconscient. Ce n’était pas mon portable », finit par dire le prévenu comme si cela pouvait le disculper. « Les images sont brutales, cruelles, féroces. On est en dehors de tout cadre, en dehors de ce que la société inculque. Et les trois agresseurs vont même au-delà. Après les violences physiques, on cherche à humilier la victime. On va la déshabiller », a dénoncé Frédérique Suquet, vice-procureure, qui a requis trois ans de prison dont six mois avec sursis probatoire pendant deux ans, avec une obligation de soins, de travail, et une interdiction d’entrer en contact avec la victime.

"Les animaux ne jouissent pas de la souffrance de leur proie"

« Chaque seconde est un coup porté à la victime, qu’ils ont traité comme un animal. Le prévenu jouit du spectacle. Sauf que les animaux ne jouissent pas de la souffrance de leur proie », a plaidé Me Noël Coulaud pour la partie civile.

Même du côté de la défense, les images ont marqué les esprits, même si maître Aysun Baggul tentera de faire passer son client pour un jeune manipulé par deux mineurs. « Ce qui choque, c’est cette inconscience mêlée à la violence. On est dans la banalisation totale ».

Hier à Brive, la force des images a convaincu le tribunal de suivre les réquisitions du parquet. Elles se sont retournées contre son auteur.

(*) Les deux autres mis en cause, mineurs, seront jugés devant le tribunal pour enfants de Brive, le 3 juin prochain.

Pierre Vignaud