Crise agricole, ravageurs, "concurrence déloyale" : l'AOP pomme du Limousin navigue en eaux troubles
![Crise agricole, ravageurs,](http://www.lamontagne.fr/photoSRC/VVZTJ19dUTgIDAVOBQwd/recolte-2023-de-l-aop-pomme-du-limousin-chez-francoise-besse_6727967.jpeg)
En marge de son assemblée générale qui se tient dans un contexte de crise agricole, le syndicat de défense de l’appellation poimme du Limousin s'attend à une saison instable.
À bien des égards les années passent et se ressemblent un peu trop pour le président de l’AOP pomme du Limousin, le Corrézien Laurent Rougerie qui voit déjà une saison 2024 s’inscrivant dans la tendance météorologique installée depuis quelque temps.
"Sur l’aspect cultural, on risque d’être sur une année précoce. Il fait trop chaud et le risque de gel est important." L’hiver doux laisse place à la crainte de voir les bourgeons ne pas résister aux épisodes de gel tardif.
"Il y a des indicateurs encourageants"Face à ce phénomène qui s’inscrit dans le temps, les producteurs sont contraints d’être toujours alertes. "Ça nous inquiète depuis plus de dix ans. On n’a que des années atypiques depuis 2012", déplore le représentant de la seule zone de production de pomme à bénéficier d'une AOP en France.
Malgré ces récurrences liées au dérèglement climatique, la pomme du Limousin parvient presque à sortir la tête de l’eau. "Notre filière connaît une situation économique très tendue, pourtant il y a des indicateurs encourageants", observe Laurent Rougerie, chiffres à l’appui pour l’année 2023.
"La moyenne de production se rapproche enfin des 40 tonnes par hectare. Notre moyenne régionale devrait se situer a minima aux alentours des 42 à 45 tonnes par hectare."
Les producteurs peuvent entrevoir de produire au-delà des 40 tonnes par hectare, seuil qui n’a plus été atteint depuis 2019. "On sort de trois années très difficiles. On a besoin de faire des récoltes normales", rappelle le président.
Une concurrence déloyale en Europe ?Si ces potentielles "récoltes normales" sont bouleversées par le climat, Laurent Rougerie pointe également du doigt les ravageurs. L’année 2023 a été marquée par "des attaques de pucerons cendrés sur de nombreuses parcelles qui sont venues perturber le déroulement d’une récolte qui aurait pu être exceptionnelle", selon lui.
Les hivers doux ne permettant pas d’enrayer la prolifération de l’espèce, l’arboriculteur ne voit que le recours aux produits phytosanitaires pour préserver les pommes.
Problème pour les producteurs, certains insecticides et fongicides sont interdits en France, ou en passe de le devenir, mais autorisés dans d’autres pays européens. "On demande à être sur un pied d’égalité avec nos collègues européens. En 2025, on n’aura plus d’outil pour lutter contre ces ravageurs", dénonce Laurent Rougerie, à propos de revendications qui font écho à la crise du secteur agricole.
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Pour la question des produits phytosanitaires, le président de l’AOP ne cache pas sa colère envers l’État, et non l’Union européenne. "La réalité, ce n’est pas l’Europe, c’est la France. On est sur une surtransposition de règles." Ce qu’il décrit comme une "concurrence déloyale" face aux producteurs européens empêche la valorisation du terroir local chez les consommateurs. "On voit des produits rentrer dans notre pays alors qu’ils ne respectent pas les mêmes règles", constate le président.
Face à ces revendications, souvent communes aux autres secteurs agricoles, le monde de la pomiculture espère une réaction forte de l’exécutif politique.
Cahier des charges. Le syndicat de défense de la pomme du Limousin a entamé les démarches afin de modifier le cahier des charges de l’appellation. Laurent Rougerie souhaite que "ça aboutisse vite. C’est étudié par l’INAO (Institut national de l’origine et de la qualité), c’est l’administration française, c’est trop lent. Ça fait partie de ce qui tue le monde agricole".
Romain Brusa