Rencontre avec le plus haut gradé du Puy-de-Dôme, le général deux étoiles Frédéric Gout

Le général deux étoiles Frédéric Gout est le militaire le plus haut gradé du Puy-de-Dôme, à la tête de la 4e brigade d’aérocombat. Rencontre.

Le lieu en impose. Loin de l’austérité pratique des bureaux de caserne. Sur le cours Sablon, ici, la pièce sent le bois et l’histoire.

Des drapeaux de la 4e brigade d’aérocombat d’un côté. De l’autre, médailles et distinctions. Celles du général Gout. « Quand c’est aussi chargé, c’est qu’on s’approche de la fin de carrière. »

Lieutenant-colonel Emmanuel, avec l'Elysée dans la lutte contre le virus

L’homme à la plaisanterie facile, comme si deux étoiles ne barraient pas son treillis, invite à s’asseoir à son bureau.

Au centre, un carnet en cuir ouvert, couvert d’une écriture appliquée. Une plaque dorée sur le meuble : « bureau du général de Lattre de Tassigny ».

Amusé du regard surpris, le général Gout appuie : « J’avais un doute, mais j’ai retrouvé une photo de lui à ce bureau ».

L'hélicoptère comme un heureux hasard 

À 53 ans, Frédéric Gout est la plus haute autorité militaire du Puy-de-Dôme. Un général deux étoiles. À ce titre, il est aussi DMD, délégué militaire départemental. Une sorte de député pour ceux qui troquent la cravate pour le treillis.

Le général Gout est né à Troyes, se dit de Saint-Raphaël, et se sent Clermontois depuis son arrivée en 2019.

C’est aussi ça militaire, avoir le cœur cosmopolite. C’est d’ailleurs cet appétit du voyage, plus qu’un patriotisme romanesque, qui a poussé le jeune homme de 21 ans vers les portes de l’armée. 

Je ne voulais pas être dans un bureau et bouger. J’ai hésité entre Saint-Cyr et HEC

Dans son parcours exemplaire, Frédéric Gout semble suivre un instinct. Saint-Cyr, donc, dans l’arme des troupes de marines. Mais il s’essaie aussi à l’aviation légère, comme un étudiant suivrait un TD exotique par curiosité. Il deviendra pourtant pilote d’hélicoptère. Reste à choisir : hélico de manœuvre ou d’attaque ?

« J’ai pris manœuvre parce qu’ils sont de toutes les missions. »

C’était une autre époque :

Les hélicos d’aujourd’hui se posent presque tout seul. On ne pilote quasiment plus aujourd’hui... sauf quand les conditions sont extrêmes, au combat près du sol, en nuit noire ou en Afrique quand la poussière vous masque la vue du sol. Mais on gère mille choses autour, que je ne saurais pas faire. 

Une carrière de haut gradé dès l'âge de 31 ans

S’en suit une carrière fulgurante. Balkans, Tchad, Djibouti, Éthiopie, Qatar, Arabie Saoudite. À 31 ans, Frédéric Gout a déjà atteint un plafond. Après 2.000 heures de vols et une ascension aux commandements, il entame sa seconde carrière. Celle des hauts gradés.

Des postes de deux ans à chaque fois. Au Quai d’Orsay, auprès de l’ONU, de l’Otan, au cabinet du chef d’État-major… Nouvelle ascension. Sur une crête entre le monde politique et le monde militaire. 

Au Quai d’orsay, j’ai dû réapprendre à penser et à écrire. Littéralement. Mais j’ai adoré ça, même si la proximité des escadrilles me manque. 

On ne s'habitue pas à perdre des hommes

Aujourd’hui, le général Gout gère 3.000 hommes. Quand on parle de responsabilité, le regard s’assombrit.

« Ce poste est celui où j’ai perdu le plus d’hommes. »

Comme ces 13 morts au Mali en novembre 2019.

Je suis allé à Pau, je leur ai dit que c’était un drame qui allait les suivre toute leur vie. Mais que ces drames, tous les soldats de l’histoire de l’armée française les avaient vécus. 

Il faudra aussi essuyer les larmes ou les colères des familles lors de l’hommage national aux Invalides.

« Perdre des hommes, on ne peut pas s’y entraîner. Je dis toujours à mes hommes : “Ne prenez pas risque inutile, si vous voyez un type sur une mobylette avec une kalachnikov, vous le laissez partir. On le retrouvera plus tard.” Ils sont frustrés, mais on ne risque pas sa vie pour un ennemi. »

Dans quatre mois, le général va à nouveau changer de poste.  Dans les cinq années qui lui restent, il rêverait de retrouver l’Otan. Et puis, il continuera à piloter tous les nouveaux appareils.

« Parce qu’il faut qu’on sache de quoi on parle aux soldats. »

Mais l’étincelle qui brille dans l’œil ne ment pas. Le goût de l’aventure du jeune homme de 21 ans n’est jamais parti. 

Simon Antony