Sculpté par Rodin, le buste de Camille Claudel, à Riom, est une allégorie de la France... et le témoignage d'une passion
Dans la cour de l’Hôtel de ville de Riom, un buste en bronze symbolise la France victorieuse. Œuvre d’Auguste Rodin, cette sculpture est aussi, en filigrane, le témoignage de l’amour passionnel et tourmenté entre l’artiste et sa muse, Camille Claudel.
Ce visage de bronze est grave, solennel presque martial. Depuis près d’un siècle, ce buste trône sur une colonne en pierre de Volvic, au centre du monument aux morts. C’est l’une des deux œuvres de Rodin qu’abrite la cour de l’Hôtel de ville de Riom (*). Deux mots de latin servent de légende : Gallia victrix, la France victorieuse.
Devant cette figure sombre, le visiteur peut admirer ce qui lui est donné à voir : une allégorie de la France au lendemain de la Grande Guerre, un visage dressé et fier, au milieu de la litanie de Riomois morts lors du conflit. En filigrane de cette œuvre, il peut aussi sentir la passion et les tourments de ce qui demeure l’une des histoires d’amour les plus célèbres de l’Histoire de l’Art en France : la relation entre Camille Claudel et Auguste Rodin.
Deux destins mêlés à jamaisCar ce visage, qui resplendit dans le métal, c’est celui de Camille Claudel, collaboratrice, maîtresse, modèle et muse du maître. À l’âge de 20 ans seulement, en 1884, elle était entrée dans l’atelier du maître en qualité de praticienne. C’est alors que les destins de ces deux artistes se sont mêlés pour devenir indissociables. « Ils partagent ateliers et modèles et travaillent en harmonie […]. Cette relation fusionnelle et tourmentée marquera à jamais les deux artistes », soulignent les conservateurs du musée Camille Claudel, à Nogent-sur-Seine.
Camille Claudel
Pour preuve : une dizaine d’années après leur séparation, Rodin revient vers ce visage qu’il a tant aimé. C’est une figure qui apparaît régulièrement dans ses travaux. Il varie autour de ce thème. Et ce sont toujours ces mêmes traits ; fins et élégants, qui émergent de la matière qu’il travaille.
Un visage idéalisé et allégorique« Sa relation avec Camille Claudel était un souvenir douloureux et compliqué. Mais au fond, il avait gardé énormément de tendresse pour elle. Il a réinventé son visage, qu’il a idéalisé. Il faut penser ce buste comme un travail symboliste. Rodin n’est pas dans le réalisme, mais dans l’allégorie. C’est le titre qui donne son sens à l’œuvre. C’est très moderne. »
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Tantôt, il en fait une impératrice byzantine, tantôt un saint Georges. À d’autres reprises, comme c’est donc le cas à Riom, c’est une allégorie de la France. C’est en tous cas la vocation que lui attribua Étienne Clémentel, maire de Riom et ami intime de Rodin, en agrémentant cette œuvre de ses deux mots latins qui lui donne aujourd’hui son nom.
À ce jour, sept épreuves de ce buste sont recensées. Plusieurs sont en France : outre celui de Riom, il est possible d’admirer ce buste à Dijon ou en région parisienne. Mais d’autres sont à l’étranger, à Londres, Buenos Aires et aux États-Unis.
Jean-Baptiste Ledys
(*) La seconde est naturellement le buste d’Étienne Clémentel, sur le mur opposé. Le musée Mandet, à Riom, abrite également deux œuvres de Rodin : un buste en bronze d’Étienne Clémentel et une autre sculpture intitulée Mère et enfant.
"Etienne Clémentel", buste de Rodin, exposé dans la cour de l'hôtel de ville de Riom, le 6 août 2019
Guide à Riom Pays d’art et d’histoire, Jean-Paul Dupuy présente une conférence intitulée « Auguste Rodin et Étienne Clémentel » au centre culturel de La Mouniaude à Châtel-Guyon, vendredi 9 août à 18 heures. Cette présentation souhaite restituer le travail de Rodin au sein de la modernité et donner un éclairage plus local à travers ses relations avec Étienne Clémentel. À cette occasion, le buste d’Étienne Clémentel réalisé par Rodin sera exposé dans la salle des conférences.