Pesto rosso, oignons de Roscoff ou kebab : les raisons du boom des chips aromatisées
Elles croustillent, elles craquent, elles ondulent. Des dizaines de références de chips aromatisées s'accumulent sur les rayons de cette petite épicerie du 18e arrondissement de Paris. Certaines titillent nos souvenirs d'enfance, à l'image des nombreuses saveurs régionales - la chips à la carbonade flamande joue des coudes avec ses camarades parfumées à l'aïoli ou au fromage du Jura - quand les autres capitalisent sur les goûts et les odeurs d'une certaine alimentation réconfort, prisée du grand public. Hamburger, teriyaki, kebab ou encore falafel : les marques rivalisent d'ingéniosité pour jouer avec les codes de la street food. Ah ! Qu'elle semble lointaine l'époque où le rayon apéritif était rempli d'une déclinaison de chips salées à l'ancienne...
"En 2020, on dénombrait en moyenne 109 références de chips différentes dans un hypermarché. Cinq ans plus tard, on est à 125", pointe Emily Mayer, directrice Business Insights chez Circana, un analyste de marché qui étudie la consommation des Français à partir des produits achetés dans un panel de grandes surfaces. "Une double logique est à l'œuvre chez les consommateurs, selon elle, un désir de nouveautés qui pousse les marques à innover sans cesse et dans le même temps, une volonté de retrouver des goûts familiers qui évoquent des parfums exotiques tendances ou issus du terroir français".
La recette semble fonctionner. De 61 000 tonnes de chips vendues dans les hypermarchés français en 2014, le marché atteint plus de 90 000 tonnes cette année, soit une hausse de 47 % en douze ans d'après Circana. La chips écrase même toute la concurrence : en moyenne, une référence de chips se vend mieux que les tuiles, les graines et tous les autres produits qu'on retrouve au rayon "épicerie salée".
Comme pour de nombreux produits de grande consommation, ce sont les marques de distributeurs qui règnent sans conteste sur le rayon. "A elles seules, elles accaparent un peu moins de 40 % du marché", explique Emily Mayer, le reste du secteur étant dominé par trois grandes marques : PepsiCo (Lay's), Intersnack (Vico) et le breton Altho (Brets). Ces dernières années, "on observe une réelle dynamique du côté de Brets et Vico" pointe l'experte de chez Circana. Petit à petit, ces deux marques grappillent des parts de marché au leader historique, en misant notamment sur de nouveaux arômes. Mais Lay's n'a pas dit son dernier mot.
"Nous sommes une marque historique, transgénérationnelle, qui a créé les codes du marché et qui reste incontournable aujourd'hui", se défend Thomas Thibord, responsable de la marque Lay's en France, précisant que 4 foyers français sur 10 achètent des produits de la marque au moins une fois dans l'année (baromètre Kantar 2025). Pour le groupe PepsiCo, la chips paysanne salée reste la panacée puisqu'elle représente toujours près de la moitié de ses ventes. Comme ses concurrents, la marque fait aussi le pari de la diversification aromatique avec de nouveaux "best-sellers" comme la chips à l'oignon de Roscoff ou au fromage du Jura. "L'innovation représente 20 % de notre croissance aujourd'hui, ce n'est pas négligeable", souligne Thomas Thibord, qui se prépare à une année 2026 très riche, avec le lancement d'une dizaine de nouveaux produits, soit presque autant que sur la période 2022-2025 (14 innovations sur quatre ans).
Chacun son parfum
Chez nos voisins aussi, les chips aromatisées rencontrent un franc succès, même si l'on retrouve des spécificités locales très marquées. "En arrivant chez Lay's, j'étais persuadé que les parfums "Barbecue" et "Poulet rôti" étaient des blockbusters absolus un peu partout en Europe, raconte Thomas Thibord. En réalité, c'est un prisme très français. La vente de ces produits est nettement plus marginale au-delà de notre frontière." D'autres saveurs sont plus couramment plébiscitées par nos voisins comme les chips "Sel et Vinaigre", un incontournable outre-Manche, nettement moins populaire chez nous. De la même façon, c'est le parfum "Paprika", qui suscite le plus d'émules en Allemagne et aux Pays-Bas tandis que les Lettons et les Espagnols préfèrent les chips aromatisées à la tomate. D'ailleurs, de l'autre côté des Pyrénées, les "Lay's Campesinas" - "paysannes" en castillan - rencontrent elles aussi un franc succès bien qu'elles soient très différentes des chips paysannes françaises. Leur arôme : un mélange d'ail, de tomate et d'herbes provençales.
"C'est un marché très dynamique, argumente Emily Mayer, chez Circana, avec une envie très prégnante de consommer local et, en même temps, une grande facilité pour renouveler le répertoire." Conséquence : le succès de la chips s'observe dans l'Europe entière, y compris au-delà de nos frontières.
Dans l'Hexagone, la consommation moyenne de chips par habitant est d'environ 1,7 kg chaque année, soit 100 grammes à peine au-dessus de la moyenne européenne. Chez certains de nos voisins, à l'inverse, elle dépasse parfois les 2 kg par habitant et par an. On retrouve les Britanniques sur la première marche du podium, avec près de 21 paquets par habitants écoulés chaque année (soit près de 3 kg), suivis des Néerlandais avec plus de 13 paquets et 2,7 kg de chips par habitant. Hiver comme été, à l'heure des pique-niques ou à celles des apéritifs dînatoires, la popularité de la chips ne se dément pas. Dans les prochaines années, les rayonnages de l'épicerie du 18e arrondissement de Paris devraient encore s'étoffer.