Pascal Ferreira, nouveau président du conseil des prud'hommes de Moulins, inquiet pour l'avenir de la juridiction sociale

Suivant le principe de l’alternance, la présidence du conseil de prud’hommes de Moulins est revenue, cette année, a un représentant des salariés. Bernard Canard, chef d’entreprise, a transmis la médaille à Pascal Ferreira, acheteur chez Bosch, à Yzeure.

Pour ce Ménulphien âgé de 44 ans, c’est une première expérience. Il nous donne son sentiment sur l’évolution sur l’avenir du conseil de prud’hommes, cette juridiction paritaire et indépendante, créée pour régler les litiges individuels entre employeurs et salariés (*).Comment êtes-vous devenu président du conseil de prud’hommes ? Le mandat des conseillers prud’hommes a évolué. Ils ne sont plus, depuis 2017 (pour le mandat 2018-2021), élus par leurs pairs au suffrage universel mais désignés par les organisations syndicales selon leur représentativité. Délégué syndical chez Bosch (aussi secrétaire du comité de groupe au niveau national), j’ai été désigné conseiller prud’homal par la CGT il y a deux ans. En ce qui concerne la présidence du collège salarié, Annie de Matos (toujours conseillère) n’a pas souhaité se représenter.

Fusionner les trois conseils des prud’hommes de l'Allier demain se ferait au détriment d’une justice de proximité

Solution amiable, la rupture conventionnelle, principale cause de la baisse d’activité de la juridiction moulinoise, est-elle une bonne solution selon vous ?  C’est une solution amiable, qui évite des procès devant les prud’hommes, mais est-ce la bonne solution ? Le salarié part avec une somme supérieure au minimum légal et l’employeur n’écorne pas son image avec un procès. Mais le salarié avait-il comme première intention d’être licencié ? Sa signature supprime toute possibilité de contestation. La rupture conventionnelle offre beaucoup de latitude aux employeurs au détriment de la sécurité de l’emploi qu’est le contrat à durée indéterminée. Elle lui permet de contourner la loi en planifiant, en budgétant, le licenciement d’un certain nombre de personnes.

Le plafonnement des indemnités de licenciement réduit aussi les prérogatives des prud’hommes. Cela permet à un patron de provisionner le coût d’un licenciement. Il connaît la somme maximale que cela lui coûtera. Une somme inférieure à celle que les tribunaux accorderaient à un salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, déterminée en fonction du préjudice subi. Les avocats trouvent cependant d’autres voies, telles que harcèlement ou défaut de formation, pour justifier d’un préjudice conséquent. Et certaines juridictions ont écarté le barème Macron.

Sept conseillers manquants

Il manque sept conseillers prud’homaux à Moulins. Pourquoi ? Cela concerne surtout le collège salariés, pour des questions d’âge, de disponibilité. Les syndicats ont des difficultés pour trouver des volontaires. La grosse problématique, c’est la section agriculture, où il n’y a plus personne. Nous étudions la possibilité de délégations de conseillers d’autres sections. Combien de temps ces postes resteront-ils vacants ? Il faut une décision préfectorale pour confirmer un conseiller prud’homal, ce qui prend environ six mois.L’avenir des conseils de prud’hommes est-il menacé ? Nous sommes impactés par la fusion des tribunaux d’instance et des tribunaux de grande instance en tribunal judiciaire en ce sens qu’il y a une fusion des instances de greffe. Après le départ en retraite de sa collègue, Raymonde Velmont reste la seule greffière connaissant les particularités du droit du travail. Elle est un soutien précieux pour nous, qui ne sommes pas des juristes professionnels. Cette mutualisation d’effectifs se fait au détriment du service rendu à l’usager.Une fusion des trois conseils de prud’hommes de l’Allier est-elle possible ? Il n’y a rien dans les tuyaux aujourd’hui, mais il y a beaucoup de craintes. La politique a de plus en plus la main mise sur la justice. Fusionner les trois conseils des prud’hommes de l'Allier demain se ferait au détriment d’une justice de proximité.(*) C’est en 1907 qu’une loi met en place une véritable juridiction sociale, reconnue compétente en matière de contentieux individuels du travail.

Pascal Larcher